AMAZONIE,
LE VERT EN ENFER
Naomi Klein
“Il est dommage que la cavalerie brésilienne n’ait pas été aussi efficace que les Américains, qui ont exterminé les Indiens”.
Jair Bolsanaro (Correio Braziliense, 12 avril 1998).
The Blood Forest © Philippe Echaroux.
C’était un cas épique de projection. Fustigeant les attaques contre sa politique d’incinération de l’Amazonie (après les grands incendies qui ont ravagé 308000 km² de forêt, la surface de l’Italie), le président brésilien Jair Bolsonaro a accusé le président français Emmanuel Macron d’avoir une “mentalité coloniale”... Le mot n’est assurément pas bienvenu quand on connaît la vague délibérée de violence coloniale, justement, que Bolsonaro a déclenché à l’intérieur de son pays. Car il s’agit bien d’un politicien qui est arrivé au pouvoir pour s’en prendre aux peuples indigènes, faisant de leurs droits fonciers un obstacle inacceptable à ses programmes d’implantations dans l’Amazonie, là où les cultures intimement liées à la forêt tropicale ont toujours résisté aux mégaprojets venus de l’extérieur et à l’élargissement incessant des frontières de l’agro-industrie. “Si je deviens président, il n’y aura pas un centimètre de plus de terres autochtones” a déclaré le nouveau président, ajoutant: “Nous allons donner un fusil et un permis de port d’arme à chaque agriculteur.”
Tout comme la rhétorique anti-immigrant implacable de Donald Trump a encouragé les nationalistes blancs à commettre des crimes haineux dans le monde réel, “les agriculteurs et les éleveurs comprennent le message du président comme un permis de commettre un incendie criminel en toute impunité, afin d’étendre énergiquement leurs activités dans la forêt pluviale”, explique Christian Poirier d’Amazon Watch. Un sentiment d’impunité si puissant a imprégné la région que les éleveurs ont tenu des “journées de feu”, coordonnant les incendies des terres et les attaques contre les communautés autochtones, qui ont connu une escalade alarmante. Résultat, selon l’Institut national de la recherche spatiale du Brésil, la déforestation en Amazonie a augmenté en 2018 de 278 pour cent par rapport au même mois l’an dernier (le directeur de l’institut a été rapidement congédié après avoir fait part de ces constatations et d’autres inconvénients).
Cette atmosphère d’anarchie entoure d’ailleurs toute l’administration de Bolsonaro: de nombreux Brésiliens considèrent que les élections présidentielles de 2018 ont été volées à Luiz Inácio Lula da Silva, de loin le politicien le plus populaire du pays. Da Silva n’a pas pu se présenter parce qu’il a été emprisonné après un procès pour corruption qui a, depuis, été révélé comme ayant été truffé de collusions et d’irrégularités – un processus présidé par le juge qui est devenu... le ministre de la Justice de Bolsonaro.
...
Lire la suite dans la revue RAVAGES.