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PORNO, ART MAJEUR

Noam Chomsky

Entretien croisé Jonathan Littell et Wendy Delorme

Wim Delvoye, LICK, 2001.

PORNO,

ART MAJEUR

Entretien croisé Jonathan Littell

et Wendy Delorme

La romancière et performeuse Wendy Delorme a participé à des films pornographiques qu’elle dit “féministes”. Le romancier Jonathan Littell s’intéresse à la mise en image du sexe. Ils discutent des normes, du cinéma X et de l’excitation à le regarder…

____

 

 

Wendy Delorme: Sous quel angle t’intéresses-tu à la pornographie?

Jonathan Littell: Je m’intéresse à ce sujet par le biais de l’image. J’ai travaillé ces derniers temps sur le peintre Francis Bacon, et sur toute la question de l’image : qu’est-ce qu’une image, comment ça fonctionne, quels sont les régimes et types d’image… la peinture, la photo, le cinéma… Je m’intéresse à la pornographie dans ce cadre-là, la pornographie en tant qu’image. 

 

Wendy Delorme: Je n’ai pas exactement la même approche. C’est plutôt le “contenu”, ce qui est montré, qui m’interpelle, en plus de la façon dont c’est montré. La question de la représentation m’a interpellée surtout à travers le manque de diversité des corps et des désirs dans la plupart des films X dits mainstream. Je me suis investie dans des productions explicites quand j’ai rencontré à Paris une photographe et réalisatrice, Émilie Jouvet, qui voulait réaliser un film explicite lesbien et trans’. Elle a sollicité des gens qui n’étaient pas des acteurs porno et qui avaient envie de tourner dans son projet. C’était une démarche presque documentaire, parce que ces personnes ont le plus souvent mis en scène leur propre sexualité. J’ai eu envie d’y participer car on voit très peu les corps et sexualités lesbiennes et trans’ représentés dans la pornographie. Dans les productions pornographiques mainstream, les scènes lesbiennes servent en général de préliminaires. Il y a quand même aujourd’hui de plus en plus de scènes exclusivement entre filles et auxquelles on peut s’identifier en tant que femme et/ou lesbienne. C’est difficile de gloser sur la pornographie et ses tendances en général, parce qu’avec Internet et le porno amateur, il y a de plus en plus d’images et qu’elles se diversifient. 

 

Jonathan Littell: C’est le seul film plus ou moins porno dans lequel tu as tourné?

Wendy Delorme: Non. Mais cette première fois était comme un saut en parachute parce que je me suis rendue compte que quand tu t’aventures dans le domaine de la pornographie, que tu donnes ton image sexuelle, même si c’est pour un film autoproduit entre filles, qui va être diffusé dans des festivals alternatifs et distribué dans trois librairies féministes en France, les gens croient toujours que tu as fait plus que tu n’as fait. Par exemple, si toi demain tu travailles sur un tournage porno en faisant de la figuration tout habillé derrière un bar pendant que d’autres acteurs baisent au premier plan, les gens vont dire que tu as tourné dans un film porno, tu vas être invité au Journal du hard, et ça va rester collé à ton image publique. C’est comme un tatouage social.

La romancière et performeuse Wendy Delorme a participé à des films pornographiques qu’elle dit “féministes”. Le romancier Jonathan Littell s’intéresse à la mise en image du sexe. Ils discutent des normes, du cinéma X et de l’excitation à le regarder…

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Wendy Delorme: Sous quel angle t’intéresses-tu à la pornographie?

Jonathan Littell: Je m’intéresse à ce sujet par le biais de l’image. J’ai travaillé ces derniers temps sur le peintre Francis Bacon, et sur toute la question de l’image : qu’est-ce qu’une image, comment ça fonctionne, quels sont les régimes et types d’image… la peinture, la photo, le cinéma… Je m’intéresse à la pornographie dans ce cadre-là, la pornographie en tant qu’image. 

 

Wendy Delorme: Je n’ai pas exactement la même approche. C’est plutôt le “contenu”, ce qui est montré, qui m’interpelle, en plus de la façon dont c’est montré. La question de la représentation m’a interpellée surtout à travers le manque de diversité des corps et des désirs dans la plupart des films X dits mainstream. Je me suis investie dans des productions explicites quand j’ai rencontré à Paris une photographe et réalisatrice, Émilie Jouvet, qui voulait réaliser un film explicite lesbien et trans’. Elle a sollicité des gens qui n’étaient pas des acteurs porno et qui avaient envie de tourner dans son projet. C’était une démarche presque documentaire, parce que ces personnes ont le plus souvent mis en scène leur propre sexualité. J’ai eu envie d’y participer car on voit très peu les corps et sexualités lesbiennes et trans’ représentés dans la pornographie. Dans les productions pornographiques mainstream, les scènes lesbiennes servent en général de préliminaires. Il y a quand même aujourd’hui de plus en plus de scènes exclusivement entre filles et auxquelles on peut s’identifier en tant que femme et/ou lesbienne. C’est difficile de gloser sur la pornographie et ses tendances en général, parce qu’avec Internet et le porno amateur, il y a de plus en plus d’images et qu’elles se diversifient. 

 

Jonathan Littell: C’est le seul film plus ou moins porno dans lequel tu as tourné?

Wendy Delorme: Non. Mais cette première fois était comme un saut en parachute parce que je me suis rendue compte que quand tu t’aventures dans le domaine de la pornographie, que tu donnes ton image sexuelle, même si c’est pour un film autoproduit entre filles, qui va être diffusé dans des festivals alternatifs et distribué dans trois librairies féministes en France, les gens croient toujours que tu as fait plus que tu n’as fait. Par exemple, si toi demain tu travailles sur un tournage porno en faisant de la figuration tout habillé derrière un bar pendant que d’autres acteurs baisent au premier plan, les gens vont dire que tu as tourné dans un film porno, tu vas être invité au Journal du hard, et ça va rester collé à ton image publique. C’est comme un tatouage social.

Wendy Delorme se révèle pendant le tournage de “Too Much Pussy-Feminist Sluts” d’Emilie Jouvet. 

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Difficile de gloser sur la pornographie en général, avec Internet et le porno amateur, il y a de plus en plus d’images, elles se diversifient.

Difficile de gloser sur la pornographie en général, avec Internet et le porno amateur, il y a de plus en plus d’images, elles se diversifient.

Jonathan Littell: Tu as des tatouages très visibles donc tu as une relation au tatouage et son sens social qui n’est quand même pas anodine…

Wendy Delorme: J’ai connu une phase d’angoisse après le premier film, je me demandais: “Que va t-il se passer ensuite?” En fait il ne se passe pas grand-chose si on ne s’expose pas médiatiquement après la sortie des films. Mais dès lors qu’on s’expose en répondant à des interviews dans les médias généralistes, on connaît l’effet de ce tatouage social.

 

Jonathan Littell: On a déjà parlé de Coralie Trinh Thi (ancienne actrice porno et réalisatrice du film Baise-Moi). Est-ce que ça serait juste de dire qu’elle souffre aussi de ce tatouage social, qu’elle n’arrive pas à se sortir de cette étiquette “ex-hardeuse”?

Wendy Delorme: Quand tu as été pornographe, acteur ou actrice X, toutes tes créations ultérieures, que ce soient des livres, des créations artistiques, ou un nouveau métier, tout ce que tu feras après ta “reconversion” semblera mesuré à l’aune de ce que tu as fait dans le passé en tant qu’actrice X, acteur X ou pornographe. Coralie s’en sort très bien de mon point de vue, c’est quelqu’un qui assume complètement, qui est très claire dans son discours. Mais ce “tatouage social” peut avoir des effets ravageurs.

Pour faire simple, mon envie de départ était de participer à la création de nos propres images avec nos propres moyens, avec des femmes qui prennent la caméra et qui créent leur propre film. Pour moi, c’était important de faire ce dont nous avions envie, en chorégraphie libre, sans figures imposées. 

 

Jonathan Littell: Et ça donne quoi?

Wendy Delorme: Ça donne des tranches de rire, des tournages improvisés à 2h du mat’ dans un backstage après une soirée, beaucoup de spontanéité, mais aussi beaucoup d’angoisse…

 

Jonathan Littell: Et en termes d’images, ça donne quoi? Est-ce que ça donne un cinéma qui est meilleur?

Wendy Delorme: Ça dépend d’où tu l’évalues. Il est moins fait pour se branler peut-être. Pour moi ce sont des films qui ont presque une valeur d’archive ou de documentaire.

 

Jonathan Littell: À quel niveau? Sur un milieu? Sur un moment?

Wendy Delorme: Sur un milieu, un moment politique, parce que les personnes qui jouent dedans sont aussi pour la plupart des militantes féministes prosexe, revendiquant le droit de disposer de leur propre corps, de créer leurs propres images correspondant à leurs propres désirs, plutôt que de se laisser imposer des canons de beauté et des scripts érotiques par l’industrie mainstream.

 

Jonathan Littell: Ce dont tu parles, c’est le contenu de la représentation, ce n’est pas la forme qui t’intéresse là-dedans…

Wendy Delorme: La forme cinématographique et le travail des images appartiennent à la réalisatrice. Pour ma part, en tant que performeuse, les films et la scène peuvent servir à mettre en scène des fantasmes. 

 

Jonathan Littell: De toute façon pour tous les gens qui travaillent le sexe, à l’image ou à l’écrit, c’est toujours ça…

Wendy Delorme: Pour les acteurs et actrices porno pas forcément. Ce ne sont pas eux généralement qui écrivent le scénario des productions X. Il y a une chorégraphie des corps, des figures imposées.

Jonathan Littell: Tu as des tatouages très visibles donc tu as une relation au tatouage et son sens social qui n’est quand même pas anodine…

Wendy Delorme: J’ai connu une phase d’angoisse après le premier film, je me demandais: “Que va t-il se passer ensuite?” En fait il ne se passe pas grand-chose si on ne s’expose pas médiatiquement après la sortie des films. Mais dès lors qu’on s’expose en répondant à des interviews dans les médias généralistes, on connaît l’effet de ce tatouage social.

 

Jonathan Littell: On a déjà parlé de Coralie Trinh Thi (ancienne actrice porno et réalisatrice du film Baise-Moi). Est-ce que ça serait juste de dire qu’elle souffre aussi de ce tatouage social, qu’elle n’arrive pas à se sortir de cette étiquette “ex-hardeuse”?

Wendy Delorme: Quand tu as été pornographe, acteur ou actrice X, toutes tes créations ultérieures, que ce soient des livres, des créations artistiques, ou un nouveau métier, tout ce que tu feras après ta “reconversion” semblera mesuré à l’aune de ce que tu as fait dans le passé en tant qu’actrice X, acteur X ou pornographe. Coralie s’en sort très bien de mon point de vue, c’est quelqu’un qui assume complètement, qui est très claire dans son discours. Mais ce “tatouage social” peut avoir des effets ravageurs.

Pour faire simple, mon envie de départ était de participer à la création de nos propres images avec nos propres moyens, avec des femmes qui prennent la caméra et qui créent leur propre film. Pour moi, c’était important de faire ce dont nous avions envie, en chorégraphie libre, sans figures imposées. 

 

Jonathan Littell: Et ça donne quoi?

Wendy Delorme: Ça donne des tranches de rire, des tournages improvisés à 2h du mat’ dans un backstage après une soirée, beaucoup de spontanéité, mais aussi beaucoup d’angoisse…

 

Jonathan Littell: Et en termes d’images, ça donne quoi? Est-ce que ça donne un cinéma qui est meilleur?

Wendy Delorme: Ça dépend d’où tu l’évalues. Il est moins fait pour se branler peut-être. Pour moi ce sont des films qui ont presque une valeur d’archive ou de documentaire.

 

Jonathan Littell: À quel niveau? Sur un milieu? Sur un moment?

Wendy Delorme: Sur un milieu, un moment politique, parce que les personnes qui jouent dedans sont aussi pour la plupart des militantes féministes prosexe, revendiquant le droit de disposer de leur propre corps, de créer leurs propres images correspondant à leurs propres désirs, plutôt que de se laisser imposer des canons de beauté et des scripts érotiques par l’industrie mainstream.

 

Jonathan Littell: Ce dont tu parles, c’est le contenu de la représentation, ce n’est pas la forme qui t’intéresse là-dedans…

Wendy Delorme: La forme cinématographique et le travail des images appartiennent à la réalisatrice. Pour ma part, en tant que performeuse, les films et la scène peuvent servir à mettre en scène des fantasmes. 

 

Jonathan Littell: De toute façon pour tous les gens qui travaillent le sexe, à l’image ou à l’écrit, c’est toujours ça…

Wendy Delorme: Pour les acteurs et actrices porno pas forcément. Ce ne sont pas eux généralement qui écrivent le scénario des productions X. Il y a une chorégraphie des corps, des figures imposées.

Pixelated Pornography | Flickr.

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Prendre la caméra, créer son propre film, ça donne des tranches de rire, beaucoup de spontanéité et d’angoisse.

Prendre la caméra, créer son propre film, ça donne des tranches de rire, beaucoup de spontanéité et d’angoisse.

Jonathan Littell: Je parle des gens qui créent, des metteurs en scène si c’est du cinéma, des écrivains si c’est du texte, des photographes si c’est de la photo. Je ne parle pas des modèles qui servent à la réalisation. Les modèles effectivement ont leurs propres fantasmes, c’est vrai, donc ils rentrent plus ou moins dans le jeu. Il y a un film d’ailleurs très intéressant là dessus, de Larry Clark. C’est dans une série qui s’appelle Destricted, une de ces nombreuses tentatives de faire du porno artistique, ils ont fait le premier volet où il y a aussi un film de Matthew Barney qui est étrange et intéressant. La plupart sont assez mauvais. Et donc il y a aussi ce court assez curieux de Larry Clark, c’est plus du reality show que du documentaire. Il a lancé une annonce de recrutement pour filles et garçons pour tourner un porno. Il commence le film avec l’interview de tous les garçons, en frontal, plan rapproché sur la tête ou à mi-corps, en posant la question: “Pourquoi voulez-vous tourner dans mon porno?” Certains sont venus de loin, ils ont pris le bus ou le train pour venir là, et ils expliquent: “Moi je veux faire du porno pour ci ou pour ça…” Après il les fait se déshabiller, ils montrent leur queue et puis il en choisit un qui est clairement le plus mignon de tous. Et ensuite il fait le casting des filles, le mec retenu participe au casting des filles, il donne son avis. Les filles sont toutes des pros (les mecs étaient tous amateurs), et c’est pareil pour elles, elles racontent leur vies de hardeuses, comment elles travaillent, elles aussi elles se déshabillent. Après il tourne la scène, qui est complètement grotesque, du très mauvais porno mais ça fait partie du dispositif de Clark qui est assez futé pour ce genre de truc. C’est vraiment très triste mais j’ai trouvé ça assez efficace du point de vue du démontage d’un certain système. C’est un dispositif piège de Larry Clark, qui n’est pas un grand ami de la race humaine. Donc il arrive toujours à te montrer les gens pas forcément sous leurs meilleurs angles. Mais encore une fois lui, là-dedans, il travaille le côté du contenu, pas du tout le côté de l’image, l’image il s’en fout. C’est tourné de façon complètement banale, même si c’est tout à fait correct, bien éclairé, tout ce que tu veux. Par contre le tournage de la séquence pornographique en elle-même est assez intéressante en termes d’image. La raison pour laquelle cette séquence est grotesque, c’est parce que justement elle est tournée en plan large, pas comme un film porno. On voit toutes les maladresses de ce couple. La fille a deux fois l’âge du mec, c’est une professionnelle sur la fin, tu sens très bien qu’elle est là parce qu’elle a besoin de fric. En même temps, pour avoir le rôle, elle minaude, elle drague, elle a l’air de peut-être vraiment désirer ce beau jeune gosse… Et après, quand ils baisent, ils s’y prennent tous les deux très mal, il y a des gros loupés. Et comme c’est filmé en plan large, et que justement, ce n’est pas coupé comme un film porno professionnel qui éliminerait tous les faux mouvements, les ratés, on voit tout. Cette façon de filmer est assez intéressante parce que justement, ce n’est pas filmé comme un film porno.

Jonathan Littell: Je parle des gens qui créent, des metteurs en scène si c’est du cinéma, des écrivains si c’est du texte, des photographes si c’est de la photo. Je ne parle pas des modèles qui servent à la réalisation. Les modèles effectivement ont leurs propres fantasmes, c’est vrai, donc ils rentrent plus ou moins dans le jeu. Il y a un film d’ailleurs très intéressant là dessus, de Larry Clark. C’est dans une série qui s’appelle Destricted, une de ces nombreuses tentatives de faire du porno artistique, ils ont fait le premier volet où il y a aussi un film de Matthew Barney qui est étrange et intéressant. La plupart sont assez mauvais. Et donc il y a aussi ce court assez curieux de Larry Clark, c’est plus du reality show que du documentaire. Il a lancé une annonce de recrutement pour filles et garçons pour tourner un porno. Il commence le film avec l’interview de tous les garçons, en frontal, plan rapproché sur la tête ou à mi-corps, en posant la question: “Pourquoi voulez-vous tourner dans mon porno?” Certains sont venus de loin, ils ont pris le bus ou le train pour venir là, et ils expliquent: “Moi je veux faire du porno pour ci ou pour ça…” Après il les fait se déshabiller, ils montrent leur queue et puis il en choisit un qui est clairement le plus mignon de tous. Et ensuite il fait le casting des filles, le mec retenu participe au casting des filles, il donne son avis. Les filles sont toutes des pros (les mecs étaient tous amateurs), et c’est pareil pour elles, elles racontent leur vies de hardeuses, comment elles travaillent, elles aussi elles se déshabillent. Après il tourne la scène, qui est complètement grotesque, du très mauvais porno mais ça fait partie du dispositif de Clark qui est assez futé pour ce genre de truc. C’est vraiment très triste mais j’ai trouvé ça assez efficace du point de vue du démontage d’un certain système. C’est un dispositif piège de Larry Clark, qui n’est pas un grand ami de la race humaine. Donc il arrive toujours à te montrer les gens pas forcément sous leurs meilleurs angles. Mais encore une fois lui, là-dedans, il travaille le côté du contenu, pas du tout le côté de l’image, l’image il s’en fout. C’est tourné de façon complètement banale, même si c’est tout à fait correct, bien éclairé, tout ce que tu veux. Par contre le tournage de la séquence pornographique en elle-même est assez intéressante en termes d’image. La raison pour laquelle cette séquence est grotesque, c’est parce que justement elle est tournée en plan large, pas comme un film porno. On voit toutes les maladresses de ce couple. La fille a deux fois l’âge du mec, c’est une professionnelle sur la fin, tu sens très bien qu’elle est là parce qu’elle a besoin de fric. En même temps, pour avoir le rôle, elle minaude, elle drague, elle a l’air de peut-être vraiment désirer ce beau jeune gosse… Et après, quand ils baisent, ils s’y prennent tous les deux très mal, il y a des gros loupés. Et comme c’est filmé en plan large, et que justement, ce n’est pas coupé comme un film porno professionnel qui éliminerait tous les faux mouvements, les ratés, on voit tout. Cette façon de filmer est assez intéressante parce que justement, ce n’est pas filmé comme un film porno.

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Caravage utilisait des prostituées comme modèles pour la Vierge Marie et il peignait les garçons comme des objets de désir, avec des beaux culs.

Caravage utilisait des prostituées comme modèles pour la Vierge Marie et il peignait les garçons comme des objets de désir, avec des beaux culs.

Still image from Impaled @ Larry Clark.

Wendy Delorme: Et quel est le but du jeu?

Jonathan Littell: Dans sa logique à lui, je pense que c’est de démonter le système de fabrication des films porno. Mais Clark est un type assez complexe donc il travaille toujours à plusieurs niveaux. Il a un rapport très affectif aux adolescents masculins, dans le film le mec est très con mais très beau gosse. La fille est une poupée gonflable, sauf qu’elle n’est pas jeune. En même temps il te monte un dispositif où le spectateur rentre tout de suite dans le jeu: “Et moi, j’aurais choisi laquelle, ou lequel?” Parce que tous les garçons et toutes les filles se vendent dans le casting. Clark en fait laisse le choix final de la fille au garçon, mais son dispositif est assez pervers, il manipule les gens. Dans ses photos des années 60, celles qui l’ont fait connaître, il photographiait toute la sous-culture trash. Ce n’est pas hippie du tout, c’est l’héroïne, la violence et la baise entre ados, avec des moments de tendresse absolument bouleversants et des moments horribles. C’est une démarche assez comparable, à ce moment-là, à celle de Nan Goldin. Il est là avec sa caméra, avec ses amis qui baisent et se shootent devant lui, ils se connaissent tellement bien qu’ils l’oublient complètement, donc il photographie les gens juste comme ils sont.

 

Wendy Delorme: Dans ce cas c’est le sujet, le modèle qui donne une grande partie de sa puissance subversive à l’image.

Jonathan Littell: Mais quand tu regardes l’histoire de l’art, tu te rends compte que les artistes les plus radicaux ne sont pas forcément ceux qui ont représenté les sujets les plus radicaux. Là où ils sont radicaux, c’est dans la façon dont ils les ont représentés. Manet par exemple, est pour moi le peintre le plus radical du XIXe siècle, devant Van Gogh ou Cézanne. Manet peint des bourgeois en chapeau haut-de-forme, ses sujets sont le monde dans lequel il vivait, mais il peint de manière radicale, il fait des images qui subvertissent tous les codes de représentation de l’époque, toute la façon de voir le monde et les façons de voir l’image ou de faire l’image. Il y a bien sûr Le déjeuner sur l’herbe ou Olympia, qui sont des tableaux scandaleux en termes de sujet, mais les critiques s’offusquaient tout autant de sa façon de peindre les mains de ses sujets bourgeois que du corps nu d’Olympia. Caravage est un cas opposé, complètement radical pour son époque mais à cause de son contenu plus que de sa forme. En tant que peintre, il n’est pas si intéressant que ça, il a effectivement innové sur le clair obscur et ouvert la voie à Rembrandt, mais pas beaucoup plus. Par contre, la façon dont il met en scène ses thématiques religieuses sont scandaleuses et choquantes pour leur époque. En plus il utilisait des prostituées comme modèle pour la Vierge Marie, il était homosexuel et il peignait les garçons comme des objets de désir, avec des beaux culs, tout ça était socialement scandaleux et inacceptable. Il peignait des paysans à genoux devant la Vierge qui avaient les pieds sales, il peint saint Paul qui tombe de cheval avec le cul du cheval au premier plan du tableau et Saint Paul étalé en dessous… Tout ça n’est pas formellement très novateur, mais absolument choquant en terme de contenu. Ce qui nous ramène à la discussion sur le porno, sur la question de la forme et du contenu, parce que finalement c’est un problème de contenu et de forme.

 

Wendy Delorme: Tu regardes quoi comme porno?

Jonathan Littell: Beaucoup sur Internet, comme tout le monde, un peu au hasard de ce qui passe. Face à du porno commercial, ma première réaction c’est généralement: “Mais qu’est-ce que c’est mal filmé… Pourquoi c’est toujours si mauvais?” Et puis ma deuxième réaction: “Mais ça marche quand même. Ça fait quand même bander.” Donc il y a une efficacité brute en termes d’excitation. Mais vraiment, c’est toujours filmé de la même manière. Après, j’essaie aussi de regarder du porno dit “intellectuel”, construit, pour voir comment c’est fait. Il y a aussi ceux qui veulent faire ce qu’on appelle du porno alternatif, notamment les Américaines qui ont voulu faire du porno pour femmes, donc qui serait excitant pour les femmes en termes de porno commercial, en sortant des codes du porno pour hommes. En gros, leur formule se réduit à plus de narratif; pour faire simple, tu as un meilleur scénario, plus construit, et puis tu as des acteurs qui sont un peu meilleurs. Mais les scènes de sexe sont les mêmes, il y a quelques ajustements mais il n’y a aucune transformation radicale. C’est fait par des réalisateurs qui sont des femmes, qui se réclament d’un certain féminisme.

Wendy Delorme: Et quel est le but du jeu?

Jonathan Littell: Dans sa logique à lui, je pense que c’est de démonter le système de fabrication des films porno. Mais Clark est un type assez complexe donc il travaille toujours à plusieurs niveaux. Il a un rapport très affectif aux adolescents masculins, dans le film le mec est très con mais très beau gosse. La fille est une poupée gonflable, sauf qu’elle n’est pas jeune. En même temps il te monte un dispositif où le spectateur rentre tout de suite dans le jeu: “Et moi, j’aurais choisi laquelle, ou lequel?” Parce que tous les garçons et toutes les filles se vendent dans le casting. Clark en fait laisse le choix final de la fille au garçon, mais son dispositif est assez pervers, il manipule les gens. Dans ses photos des années 60, celles qui l’ont fait connaître, il photographiait toute la sous-culture trash. Ce n’est pas hippie du tout, c’est l’héroïne, la violence et la baise entre ados, avec des moments de tendresse absolument bouleversants et des moments horribles. C’est une démarche assez comparable, à ce moment-là, à celle de Nan Goldin. Il est là avec sa caméra, avec ses amis qui baisent et se shootent devant lui, ils se connaissent tellement bien qu’ils l’oublient complètement, donc il photographie les gens juste comme ils sont.

 

Wendy Delorme: Dans ce cas c’est le sujet, le modèle qui donne une grande partie de sa puissance subversive à l’image.

Jonathan Littell: Mais quand tu regardes l’histoire de l’art, tu te rends compte que les artistes les plus radicaux ne sont pas forcément ceux qui ont représenté les sujets les plus radicaux. Là où ils sont radicaux, c’est dans la façon dont ils les ont représentés. Manet par exemple, est pour moi le peintre le plus radical du XIXe siècle, devant Van Gogh ou Cézanne. Manet peint des bourgeois en chapeau haut-de-forme, ses sujets sont le monde dans lequel il vivait, mais il peint de manière radicale, il fait des images qui subvertissent tous les codes de représentation de l’époque, toute la façon de voir le monde et les façons de voir l’image ou de faire l’image. Il y a bien sûr Le déjeuner sur l’herbe ou Olympia, qui sont des tableaux scandaleux en termes de sujet, mais les critiques s’offusquaient tout autant de sa façon de peindre les mains de ses sujets bourgeois que du corps nu d’Olympia. Caravage est un cas opposé, complètement radical pour son époque mais à cause de son contenu plus que de sa forme. En tant que peintre, il n’est pas si intéressant que ça, il a effectivement innové sur le clair obscur et ouvert la voie à Rembrandt, mais pas beaucoup plus. Par contre, la façon dont il met en scène ses thématiques religieuses sont scandaleuses et choquantes pour leur époque. En plus il utilisait des prostituées comme modèle pour la Vierge Marie, il était homosexuel et il peignait les garçons comme des objets de désir, avec des beaux culs, tout ça était socialement scandaleux et inacceptable. Il peignait des paysans à genoux devant la Vierge qui avaient les pieds sales, il peint saint Paul qui tombe de cheval avec le cul du cheval au premier plan du tableau et Saint Paul étalé en dessous… Tout ça n’est pas formellement très novateur, mais absolument choquant en terme de contenu. Ce qui nous ramène à la discussion sur le porno, sur la question de la forme et du contenu, parce que finalement c’est un problème de contenu et de forme.

 

Wendy Delorme: Tu regardes quoi comme porno?

Jonathan Littell: Beaucoup sur Internet, comme tout le monde, un peu au hasard de ce qui passe. Face à du porno commercial, ma première réaction c’est généralement: “Mais qu’est-ce que c’est mal filmé… Pourquoi c’est toujours si mauvais?” Et puis ma deuxième réaction: “Mais ça marche quand même. Ça fait quand même bander.” Donc il y a une efficacité brute en termes d’excitation. Mais vraiment, c’est toujours filmé de la même manière. Après, j’essaie aussi de regarder du porno dit “intellectuel”, construit, pour voir comment c’est fait. Il y a aussi ceux qui veulent faire ce qu’on appelle du porno alternatif, notamment les Américaines qui ont voulu faire du porno pour femmes, donc qui serait excitant pour les femmes en termes de porno commercial, en sortant des codes du porno pour hommes. En gros, leur formule se réduit à plus de narratif; pour faire simple, tu as un meilleur scénario, plus construit, et puis tu as des acteurs qui sont un peu meilleurs. Mais les scènes de sexe sont les mêmes, il y a quelques ajustements mais il n’y a aucune transformation radicale. C’est fait par des réalisateurs qui sont des femmes, qui se réclament d’un certain féminisme.

O.M. Œuvre d’Édouard Levé. (courtesy galerie Loevenbruck).

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Dans le porno commercial, 

il y a une efficacité brute en 

termes d’excitation.

Dans le porno commercial, 

il y a une efficacité brute en 

termes d’excitation.

Wendy Delorme: Tu as vu le film de Shu Lea Cheang (artiste multimédia née à Taïwan et basée à Paris) qui s’appelle IKU? “Iku” veut dire orgasme en japonais. C’est tourné au Japon, c’est un film complètement délirant, presque de science-fiction, avec des sextoys-machines, des femmes-cyborgs. Ce film est à mon sens complètement punk, et tout en faisant référence à des genres cinématographiques bien définis (la science-fiction, le porno), il réinvente un genre à lui seul.

Jonathan Littell: Non, je ne connais pas. Mais même dans le porno commercial, les Japonais font des choses complètement folles. Ils tournent des films avec des anguilles de mer, des poulpes… mais c’est pareil, c’est délirant au niveau de ce qu’ils mettent dedans, donc au niveau du contenu représenté. Moi, ce qui me frustre quand je regarde, c’est que pour moi un film porno, c’est avant tout un film, donc c’est du cinéma. Pourquoi n’y a-t-il pas de scène qui résonne juste en termes de cinéma? Pourquoi il n’y a jamais d’idée de cinéma? Un exemple: Godard adore le tennis et le foot, et il a passé des années à démarcher des chaînes de télé pour qu’on lui laisse assurer la retransmission en directe d’un match de tennis ou de foot. Et il n’y a jamais eu personne qui a eu le courage d’accepter. Donc il ne l’a jamais fait. Le but n’était pas de faire un film de Jean-Luc Godard, c’était de faire une retransmission télévisuelle en direct d’un match. Il voulait être en charge du dispositif de caméras, être dans la salle où on coupe d’une caméra à l’autre en direct, et contrôler tout ça. Et il a passé des années à le penser, à le théoriser, il a écrit là-dessus. Il a développé toute une théorie qui tournait autour du plan moyen. En gros, sa thèse était que le sport est toujours filmé en plan moyen, donc tout ce que tu vois, c’est le geste qui a finalement été effectué. Le joueur a frappé son ballon ou sa balle de telle manière et pas d’une autre. Donc qu’est-ce que tu ne vois pas? Tu ne vois pas tous les gestes possibles que le joueur aurait pu faire à l’instant où il a choisi de faire ce geste-là et pas tous les autres. Donc comment est-ce que je peux filmer la même chose de manière à montrer non seulement le geste qui a été fait mais aussi tous les gestes qui n’ont pas été faits, toutes les possibilités qui existaient à cet instant T du match mais que le joueur n’a pas choisies? Et l’idée de Godard, ce sur quoi il s’est mis à réfléchir, c’était la façon de montrer, en même temps que le geste réellement accompli, tous les gestes qui n’avaient pas été accomplis, pas été choisis. Et de les montrer en cinéma, grâce à des techniques de cinéma. C’était des idées belles et inédites, et le système en place, capitalistique, ne lui a pas donné la possibilité de les réaliser.

 

Wendy Delorme: Et elles pourrait s’appliquer au porno?

Jonathan Littell: J’en suis convaincu. On peut appliquer ce raisonnement au porno; simplement, on ne le fait pas. Quand on parle de faire du porno différent, on reste toujours braqué sur le contenu, ou sur la façon dont c’est filmé en termes de situation, le rapport entre les cinéastes et les acteurs, le rapport entre les acteurs et l’environnement, on se demande si les acteurs sont payés, s’ils ont le choix de leurs mouvements, etc. On ne raisonne jamais en termes de régime d’images, alors que ce qui ne va pas dans le porno commercial, de masse, commence justement là. Quand tu lis certaines figures imposées, comme le cumshot, tu peux faire une lecture féministe qui est vraie, celle qui démontre que le cumshot est un symbole de la domination masculine, où la fille est à genoux et se prend la giclée de foutre dans la gueule. Cette lecture n’est pas fausse, mais je ne pense pas que ce soit le registre de la domination masculine qui impose cette image. Je pense que c’est le régime d’images qui l’impose. Tout le porno est conditionné par un régime d’images qu’on pourrait nommer le “on doit tout voir”. C’est une réduction à l’absurde du principe de montrer les choses. Toutes les figures imposées sont imposées d’abord par ce régime d’images, et ensuite, aussi, sans doute par le fait que les réalisateurs soient des hommes. Mais du coup, même quand les femmes font du porno, elles n’arrivent pas à échapper à ce régime d’images. Même quand elles essaient de travailler sur le contenu, elles n’échappent pas à cette logique. Dans la vie, le sexe est une activité qui met en jeu les cinq sens, mais où le regard passe en dernier. Le toucher, l’odorat, l’ouïe sont beaucoup plus importants que la vue quand on fait l’amour. Or quand tu filmes le sexe, le regard passe en premier, mécaniquement, parce que tu fais une image; le son passe en deuxième, et les trois autres sens, eux, n’existent plus. Dans le réel, c’est le contraire. Les autres sens comptent énormément, ce qu’on ressent à l’intérieur compte énormément. Mais dans le porno tu ne vois que l’extérieur finalement, alors que tout se passe à l’intérieur. C’est le paradoxe fondamental du film porno.

Wendy Delorme: Tu as vu le film de Shu Lea Cheang (artiste multimédia née à Taïwan et basée à Paris) qui s’appelle IKU? “Iku” veut dire orgasme en japonais. C’est tourné au Japon, c’est un film complètement délirant, presque de science-fiction, avec des sextoys-

machines, des femmes-cyborgs. Ce film est à mon sens complètement punk, et tout en faisant référence à des genres cinématographiques bien définis (la science-fiction, le porno), il réinvente un genre à lui seul.

Jonathan Littell: Non, je ne connais pas. Mais même dans le porno commercial, les Japonais font des choses complètement folles. Ils tournent des films avec des anguilles de mer, des poulpes… mais c’est pareil, c’est délirant au niveau de ce qu’ils mettent dedans, donc au niveau du contenu représenté. Moi, ce qui me frustre quand je regarde, c’est que pour moi un film porno, c’est avant tout un film, donc c’est du cinéma. Pourquoi n’y a-t-il pas de scène qui résonne juste en termes de cinéma? Pourquoi il n’y a jamais d’idée de cinéma? Un exemple: Godard adore le tennis et le foot, et il a passé des années à démarcher des chaînes de télé pour qu’on lui laisse assurer la retransmission en directe d’un match de tennis ou de foot. Et il n’y a jamais eu personne qui a eu le courage d’accepter. Donc il ne l’a jamais fait. Le but n’était pas de faire un film de Jean-Luc Godard, c’était de faire une retransmission télévisuelle en direct d’un match. Il voulait être en charge du dispositif de caméras, être dans la salle où on coupe d’une caméra à l’autre en direct, et contrôler tout ça. Et il a passé des années à le penser, à le théoriser, il a écrit là-dessus. Il a développé toute une théorie qui tournait autour du plan moyen. En gros, sa thèse était que le sport est toujours filmé en plan moyen, donc tout ce que tu vois, c’est le geste qui a finalement été effectué. Le joueur a frappé son ballon ou sa balle de telle manière et pas d’une autre. Donc qu’est-ce que tu ne vois pas? Tu ne vois pas tous les gestes possibles que le joueur aurait pu faire à l’instant où il a choisi de faire ce geste-là et pas tous les autres. Donc comment est-ce que je peux filmer la même chose de manière à montrer non seulement le geste qui a été fait mais aussi tous les gestes qui n’ont pas été faits, toutes les possibilités qui existaient à cet instant T du match mais que le joueur n’a pas choisies? Et l’idée de Godard, ce sur quoi il s’est mis à réfléchir, c’était la façon de montrer, en même temps que le geste réellement accompli, tous les gestes qui n’avaient pas été accomplis, pas été choisis. Et de les montrer en cinéma, grâce à des techniques de cinéma. C’était des idées belles et inédites, et le système en place, capitalistique, ne lui a pas donné la possibilité de les réaliser.

 

Wendy Delorme: Et elles pourrait s’appliquer au porno?

Jonathan Littell: J’en suis convaincu. On peut appliquer ce raisonnement au porno; simplement, on ne le fait pas. Quand on parle de faire du porno différent, on reste toujours braqué sur le contenu, ou sur la façon dont c’est filmé en termes de situation, le rapport entre les cinéastes et les acteurs, le rapport entre les acteurs et l’environnement, on se demande si les acteurs sont payés, s’ils ont le choix de leurs mouvements, etc. On ne raisonne jamais en termes de régime d’images, alors que ce qui ne va pas dans le porno commercial, de masse, commence justement là. Quand tu lis certaines figures imposées, comme le cumshot, tu peux faire une lecture féministe qui est vraie, celle qui démontre que le cumshot est un symbole de la domination masculine, où la fille est à genoux et se prend la giclée de foutre dans la gueule. Cette lecture n’est pas fausse, mais je ne pense pas que ce soit le registre de la domination masculine qui impose cette image. Je pense que c’est le régime d’images qui l’impose. Tout le porno est conditionné par un régime d’images qu’on pourrait nommer le “on doit tout voir”. C’est une réduction à l’absurde du principe de montrer les choses. Toutes les figures imposées sont imposées d’abord par ce régime d’images, et ensuite, aussi, sans doute par le fait que les réalisateurs soient des hommes. Mais du coup, même quand les femmes font du porno, elles n’arrivent pas à échapper à ce régime d’images. Même quand elles essaient de travailler sur le contenu, elles n’échappent pas à cette logique. Dans la vie, le sexe est une activité qui met en jeu les cinq sens, mais où le regard passe en dernier. Le toucher, l’odorat, l’ouïe sont beaucoup plus importants que la vue quand on fait l’amour. Or quand tu filmes le sexe, le regard passe en premier, mécaniquement, parce que tu fais une image; le son passe en deuxième, et les trois autres sens, eux, n’existent plus. Dans le réel, c’est le contraire. Les autres sens comptent énormément, ce qu’on ressent à l’intérieur compte énormément. Mais dans le porno tu ne vois que l’extérieur finalement, alors que tout se passe à l’intérieur. C’est le paradoxe fondamental du film porno.

Vue de l’exposition “Art & Porn”, au musée ARoS, à Aarhus, Danemark. Détail de l’œuvre de Mike Bouchet, “Untitled”, vidéo (2011). Courtesy of Mike Bouchet, Marlborough Contemporary et Galerie Parish Kind/Photo: Anders Sune Berg.

Vue de l’exposition “Art & Porn”, au musée ARoS, à Aarhus, Danemark. Détail de l’œuvre de Mike Bouchet, “Untitled”, vidéo (2011). Courtesy of Mike Bouchet, Marlborough Contemporary et Galerie Parish Kind/Photo: Anders Sune Berg.

Wendy Delorme: Je pense que pour certaines personnes, la vue est le sens primordial qui déclenche la stimulation érotique, et donc ce qui passe en premier dans le réel aussi. Par ailleurs, quand les femmes filment du X, on s’attend en général à ce que ce soit plus “soft”, plus “érotique”, c’est-à-dire qu’on en voie moins. Parce qu’on s’attend en général (et c’est un préjugé sexiste) à ce que les femmes aient une vision du sexe moins “hard”, plus romantique ou poétique, plus allusive, et qui échapperait donc à ce régime d’image dont tu parles, le régime de l’image pornographique qui voudrait tout montrer, y compris ce qui se passe généralement à l’intérieur des corps. Les deux types de production pornographique existent: certaines réalisatrices vont produire des films plus allusifs qu’explicites, d’autres seront aussi explicites et “hardcore” que ceux de leurs collègues réalisateurs masculins.

Jonathan Littell: Il y a eu un régime d’images, à une époque, dans les années 70, qu’on appelle en gros le film érotique pour le distinguer du film pornographique, qu’on peut analyser comme un régime d’images fondé sur le jeu du voile et du dévoilement, de ce qui est montré et de ce qui ne l’est pas. Ça donne des films comme Emmanuelle, ou les images de David Hamilton, des images souvent un peu floues, le “flou artistique” comme on disait. Il y a souvent des scènes dans Emmanuelle derrière des tentures ou des voiles. Un film comme celui-là est construit sur le principe de montrer juste assez pour exciter, puis tout de suite cacher, donc en fait faire travailler l’imagination. 

Le porno, c’est un autre régime, c’est “je montre tout”. Et une fois que tu rentres dans ce mécanisme, il te mène directement au cumshot, et puis encore plus loin, selon des logiques induites par le régime d’images. Par exemple, filmer l’intérieur du corps durant une pénétration, avec une micro caméra au bout d’un gode. Donc la caméra rentre dans la fille, c’est hallucinant, j’ai même vu un film anglais à vocation pseudo-médicale où une micro caméra sur fil, repliée à l’intérieure du vagin, filmait une pénétration, tu voyais la verge qui rentre et qui sort, de l’intérieur. Là, on est loin de l’érotisme, de l’excitation, on est juste dans ce régime d’image qui veut tout montrer, voir ce qui ne peut pas être vu, ou qui n’a pas vocation à être vu. C’est un régime d’images emballé, c’est-à-dire qu’il tourne à vide sur lui-même, selon sa propre logique de régime d’images incontrôlé et incontrôlable.

Mais pour revenir à la question fondamentale: comment pourrait-on faire du porno différemment? Je ne sais plus où j’ai lu ça, une de tes amies qui dit que quand même, à la base, il faut que ce soit excitant. Partons de ce principe-là. Mais en même temps, tu ne veux pas que ce soit un pur produit capitaliste, avec tous ces rapports homme/femme complètement prédateurs. Donc comment le faire autrement, mais pour qu’en même temps ce soit excitant? Toutes les tentatives un peu artistiques que j’ai vues sont intéressantes, intellectuellement, mais elles sont rarement excitantes.

 

Wendy Delorme: La vidéo X la plus excitante que j’ai vue était une vidéo amateur en ligne, une fille qui se masturbait avec un gode, elle était face caméra, très souriante, elle riait. C’était provoquant, il y avait un côté très powerful. Elle avait un regard de défi, du coup tu te demandais qui il y avait derrière la caméra. Normalement, le porno est fait pour le regard du spectateur. La caméra ne bougeait pas, c’était en plan fixe et ça durait cinq minutes, peut-être qu’elle était toute seule...

Jonathan Littell: Là où je te rejoins, c’est que ce qui m’intéresse toujours dans les films porno, c’est justement le moment où ça capte une émotion humaine, une vraie émotion, et chez les acteurs parfois il y a une vraie émotion, un sentiment érotique, pas forcément affectif, en tout cas un vrai plaisir. Tu as tellement de films où il y a deux ou trois secondes vraiment bien, et le reste c’est juste nul; tu as juste ce moment-là, très bref, où il se passe quelque chose. Mais les films ne sont pas construits pour que de tels moments existent. Et les films dits artistiques non plus. Les films de Catherine Breillat, par exemple, comme Anatomie de l’Enfer, sont très mauvais. C’est l’exemple classique d’une femme qui veut réinventer le porno, mais qui retombe presque mécaniquement dans le même régime d’image et tous les clichés qu’il induit.

Wendy Delorme: Je pense que pour certaines personnes, la vue est le sens primordial qui déclenche la stimulation érotique, et donc ce qui passe en premier dans le réel aussi. Par ailleurs, quand les femmes filment du X, on s’attend en général à ce que ce soit plus “soft”, plus “érotique”, c’est-à-dire qu’on en voie moins. Parce qu’on s’attend en général (et c’est un préjugé sexiste) à ce que les femmes aient une vision du sexe moins “hard”, plus romantique ou poétique, plus allusive, et qui échapperait donc à ce régime d’image dont tu parles, le régime de l’image pornographique qui voudrait tout montrer, y compris ce qui se passe généralement à l’intérieur des corps. Les deux types de production pornographique existent: certaines réalisatrices vont produire des films plus allusifs qu’explicites, d’autres seront aussi explicites et “hardcore” que ceux de leurs collègues réalisateurs masculins.

Jonathan Littell: Il y a eu un régime d’images, à une époque, dans les années 70, qu’on appelle en gros le film érotique pour le distinguer du film pornographique, qu’on peut analyser comme un régime d’images fondé sur le jeu du voile et du dévoilement, de ce qui est montré et de ce qui ne l’est pas. Ça donne des films comme Emmanuelle, ou les images de David Hamilton, des images souvent un peu floues, le “flou artistique” comme on disait. Il y a souvent des scènes dans Emmanuelle derrière des tentures ou des voiles. Un film comme celui-là est construit sur le principe de montrer juste assez pour exciter, puis tout de suite cacher, donc en fait faire travailler l’imagination. 

Le porno, c’est un autre régime, c’est “je montre tout”. Et une fois que tu rentres dans ce mécanisme, il te mène directement au cumshot, et puis encore plus loin, selon des logiques induites par le régime d’images. Par exemple, filmer l’intérieur du corps durant une pénétration, avec une micro caméra au bout d’un gode. Donc la caméra rentre dans la fille, c’est hallucinant, j’ai même vu un film anglais à vocation pseudo-médicale où une micro caméra sur fil, repliée à l’intérieure du vagin, filmait une pénétration, tu voyais la verge qui rentre et qui sort, de l’intérieur. Là, on est loin de l’érotisme, de l’excitation, on est juste dans ce régime d’image qui veut tout montrer, voir ce qui ne peut pas être vu, ou qui n’a pas vocation à être vu. C’est un régime d’images emballé, c’est-à-dire qu’il tourne à vide sur lui-même, selon sa propre logique de régime d’images incontrôlé et incontrôlable.

Mais pour revenir à la question fondamentale: comment pourrait-on faire du porno différemment? Je ne sais plus où j’ai lu ça, une de tes amies qui dit que quand même, à la base, il faut que ce soit excitant. Partons de ce principe-là. Mais en même temps, tu ne veux pas que ce soit un pur produit capitaliste, avec tous ces rapports homme/femme complètement prédateurs. Donc comment le faire autrement, mais pour qu’en même temps ce soit excitant? Toutes les tentatives un peu artistiques que j’ai vues sont intéressantes, intellectuellement, mais elles sont rarement excitantes.

 

Wendy Delorme: La vidéo X la plus excitante que j’ai vue était une vidéo amateur en ligne, une fille qui se masturbait avec un gode, elle était face caméra, très souriante, elle riait. C’était provoquant, il y avait un côté très powerful. Elle avait un regard de défi, du coup tu te demandais qui il y avait derrière la caméra. Normalement, le porno est fait pour le regard du spectateur. La caméra ne bougeait pas, c’était en plan fixe et ça durait cinq minutes, peut-être qu’elle était toute seule...

Jonathan Littell: Là où je te rejoins, c’est que ce qui m’intéresse toujours dans les films porno, c’est justement le moment où ça capte une émotion humaine, une vraie émotion, et chez les acteurs parfois il y a une vraie émotion, un sentiment érotique, pas forcément affectif, en tout cas un vrai plaisir. Tu as tellement de films où il y a deux ou trois secondes vraiment bien, et le reste c’est juste nul; tu as juste ce moment-là, très bref, où il se passe quelque chose. Mais les films ne sont pas construits pour que de tels moments existent. Et les films dits artistiques non plus. Les films de Catherine Breillat, par exemple, comme Anatomie de l’Enfer, sont très mauvais. C’est l’exemple classique d’une femme qui veut réinventer le porno, mais qui retombe presque mécaniquement dans le même régime d’image et tous les clichés qu’il induit.

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C’est un préjugé sexiste de penser que les femmes auraient une vision du sexe moins hard, plus romantique.

C’est un préjugé sexiste de penser que les femmes auraient une vision du sexe moins hard, plus romantique.

Wendy Delorme: J’ai trouvé le film Romance dépressif et glauque. 

Jonathan Littell: Les films de Gaspard Noé, c’est un peu pareil. Je ne suis pas convaincu du tout par ses films, et je ne sais pas si c’est lié à un système économique qui les plombe, ou si c’est lié à un défaut de raisonnement sur le cinéma…

 

Wendy Delorme: Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de se poser la question, je ne pense pas que ça fait sens de comparer l’industrie cinématographique classique et celle du X.

Jonathan Littell: Pour moi, c’est du cinéma.

 

Wendy Delorme: Pas forcément. J’étais au Porn Film Festival de Berlin et il y avait une réalisatrice qui était interviewée, Courtney Trouble, qui fait du porno queer à San Francisco. Elle disait: “Je suis une pornographe, rien d’autre, je fais du porno, je filme du sexe.” Elle fait des choses très diverses, que tu estimerais très mal filmées, d’autres qui sont très intéressantes visuellement, bien plus travaillées voire poétiques au niveau de l’image, mais elle n’a pas du tout un discours à prétention cinématographique ou artistique, elle fait du porno et assume son travail en tant que pornographe. En ce qui concerne son travail, le débat sur ce qui sépare l’art de la pornographie ou le cinéma classique du cinéma X ne fait pas sens. Elle ne rentre même pas dans ces zones-là et considère la pornographie comme le simple fait de filmer du sexe, des corps en action.

Jonathan Littell: Il ne s’agit pas de faire de l’art – enfin si, il y a la dimension artistique – mais même au niveau du commercial, de la représentation de masse, qu’est-ce qui empêche les gens de faire des représentations autres, plus convaincantes, plus intelligentes, plus futées, plus sophistiquées et plus politiques que les représentations habituelles? À mon avis, c’est parce que ce n’est pas analysé en termes d’images, c’est analysé en termes de contenu.

Je peux appliquer exactement le même raisonnement à la photo de guerre. Pourquoi les photos de guerre sont-elles généralement si nulles et ennuyeuses, pourquoi elles tendent à se ressembler toutes, alors que les guerres ne se ressemblent pas? Un très bon ami, ancien photographe de guerre, m’a expliqué que tous les photographes de guerre utilisent le même boîtier et à peu près les mêmes objectifs. Donc ils font la même image. Lui, il part dans les guerres avec une chambre et des négatifs 7x5, il doit parfois recharger ses cartouches dans la boue ou sous le feu, c’est pas pratique pour la photo de guerre mais il le fait quand même, parce qu’il raisonne d’une autre manière: “Comment je montre? Comment je fais une image différente?” Si tu veux faire une image différente pour la sexualité humaine, vu que tu parles d’images, il faut raisonner en termes d’images. Si je veux faire un “film différent”, avant le mot “différent”, il y a le mot “film”. Quand je parle de cinéma c’est à ce niveau-là, je ne parle pas d’art.

 

En fait, c’est pas très difficile d’être créatif quand tu es pratique, il suffit d’avoir un peu d’imagination, un peu de courage, un peu de bonne volonté… C’est pareil pour le texte, le texte est fait de phrases, avant tout. Que tu sois en train de décrire un paysan breton qui bine ses betteraves ou des queers qui sont en train de s’envoyer en l’air, formellement c’est le même problème. C’est tout aussi difficile de décrire un paysan breton qui bine ses betteraves qu’une scène de cul. Le réel est beaucoup plus riche que la grammaire. ■

Wendy Delorme: J’ai trouvé le film Romance dépressif et glauque. 

Jonathan Littell: Les films de Gaspard Noé, c’est un peu pareil. Je ne suis pas convaincu du tout par ses films, et je ne sais pas si c’est lié à un système économique qui les plombe, ou si c’est lié à un défaut de raisonnement sur le cinéma…

 

Wendy Delorme: Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de se poser la question, je ne pense pas que ça fait sens de comparer l’industrie cinématographique classique et celle du X.

Jonathan Littell: Pour moi, c’est du cinéma.

 

Wendy Delorme: Pas forcément. J’étais au Porn Film Festival de Berlin et il y avait une réalisatrice qui était interviewée, Courtney Trouble, qui fait du porno queer à San Francisco. Elle disait: “Je suis une pornographe, rien d’autre, je fais du porno, je filme du sexe.” Elle fait des choses très diverses, que tu estimerais très mal filmées, d’autres qui sont très intéressantes visuellement, bien plus travaillées voire poétiques au niveau de l’image, mais elle n’a pas du tout un discours à prétention cinématographique ou artistique, elle fait du porno et assume son travail en tant que pornographe. En ce qui concerne son travail, le débat sur ce qui sépare l’art de la pornographie ou le cinéma classique du cinéma X ne fait pas sens. Elle ne rentre même pas dans ces zones-là et considère la pornographie comme le simple fait de filmer du sexe, des corps en action.

Jonathan Littell: Il ne s’agit pas de faire de l’art – enfin si, il y a la dimension artistique – mais même au niveau du commercial, de la représentation de masse, qu’est-ce qui empêche les gens de faire des représentations autres, plus convaincantes, plus intelligentes, plus futées, plus sophistiquées et plus politiques que les représentations habituelles? À mon avis, c’est parce que ce n’est pas analysé en termes d’images, c’est analysé en termes de contenu.

Je peux appliquer exactement le même raisonnement à la photo de guerre. Pourquoi les photos de guerre sont-elles généralement si nulles et ennuyeuses, pourquoi elles tendent à se ressembler toutes, alors que les guerres ne se ressemblent pas? Un très bon ami, ancien photographe de guerre, m’a expliqué que tous les photographes de guerre utilisent le même boîtier et à peu près les mêmes objectifs. Donc ils font la même image. Lui, il part dans les guerres avec une chambre et des négatifs 7x5, il doit parfois recharger ses cartouches dans la boue ou sous le feu, c’est pas pratique pour la photo de guerre mais il le fait quand même, parce qu’il raisonne d’une autre manière: “Comment je montre? Comment je fais une image différente?” Si tu veux faire une image différente pour la sexualité humaine, vu que tu parles d’images, il faut raisonner en termes d’images. Si je veux faire un “film différent”, avant le mot “différent”, il y a le mot “film”. Quand je parle de cinéma c’est à ce niveau-là, je ne parle pas d’art. 

En fait, c’est pas très difficile d’être créatif quand tu es pratique, il suffit d’avoir un peu d’imagination, un peu de courage, un peu de bonne volonté… C’est pareil pour le texte, le texte est fait de phrases, avant tout. Que tu sois en train de décrire un paysan breton qui bine ses betteraves ou des queers qui sont en train de s’envoyer en l’air, formellement c’est le même problème. C’est tout aussi difficile de décrire un paysan breton qui bine ses betteraves qu’une scène de cul. Le réel est beaucoup plus riche que la grammaire. ■

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Jonathan Littell traque les monstres en nous. Il s’est fait connaître un 2006 avec Les Bienveillantes, éprouvante fresque du front de l’Est pendant la Seconde guerre mondiale, racontée à la première personne à travers les mémoires imaginaires de l'officier SS Maximilien Aue, cultivé, homosexuel, responsable de massacres de masse. Prix Goncourt, prix de l’Académie française, le livre est un événement tant il dérange en faisant entrer le lecteur dans la tête d’un bourreau. Jonathan Littell a publié en 2008 un essai, Le Sec et l’Humide, où il s’attelle à la description du texte fasciste français du Waffen-SS belge Léon Degrelle.

 

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Wendy Delorme, performeuse, enseignante à Paris IV, traite avec humour et liberté des espoirs et des luttes des minorités sexuelles. Dans Quatrième Génération (2007) elle raconte les milieux alternatifs LGBT à travers quatre générations de femmes. Insurrections! en territoire sexuel (2009) est un recueil de nouvelles autofictionnelles charnelles et amoureuses. Après La Mère, la sainte et la putain (2012), elle obtient le prix Joseph pour Le Corps est une chimère (2018). Dans Viendra le temps du feu (2021), une dystopie, elle met en scène cinq femmes luttant contre une société oppressive.

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