Campagne Extinction Rebellion.
À première vue, les profiteurs du climat peuvent sembler appartenir tous à la même catégorie d’entrepreneurs. Cependant, il faut faire une distinction fondamentale entre ceux qui visent à investir et gagner de l’argent en participant à la révolution verte pour ralentir le réchauffement, et ceux qui prévoient de faire de affaires juteuses par la suite et n’ont aucun intérêt à l’empêcher de se produire. Ces derniers estiment qu’en chinois le mot «crise» contient un caractère qui signifie “opportunité”: cela ne s’applique pas au mandarin, mais au secteur financier...
Il est assez rare qu’une crise grave entraîne une destruction complète de la richesse: la plupart du temps, celle-ci se déplace des perdants vers les gagnants. La catastrophe actuelle du changement climatique ne fait pas exception. Même si les scénarios apocalyptiques se produisent réellement, il pourrait encore y avoir de la place pour des investissements ou un enrichissement. En fait, ceux qui ont identifié de telles opportunités ont déjà placé leurs paris. Ce sont les profiteurs du climat.
Les deux catégories d’entrepreneurs soutiennent très activement leur propre cause. Par exemple, à la veille de la Conférence sur le Changement climatique de Katowice de décembre 2018, un collectif d’investisseurs internationaux a envoyé aux chefs de gouvernement une lettre exigeant une réponse rapide et concrète pour éviter le pire. Ceux qui l’ont rédigé représentaient 415 fonds d’investissement, détenant un total de 32000 milliards de dollars d’actifs.
Leurs adversaires, tout aussi déterminés, savent qu’au cœur d’un monde dévasté, le contrôle et la privatisation des ressources clés telles que l’eau garantira à l’avenir un pouvoir économique et politique inestimable. Si les niveaux de salinité dans la mer augmentent, les précipitations diminuent, la famine et la sécheresse s’intensifient, l’accès à l’eau deviendra un facteur de survie et de pouvoir essentiel. Ainsi, le 21 août 2008, le PDG de Dow Chemical Company, Andrew Liveris, a déclaré à The Economist que “l’eau est le pétrole du XXIe siècle”.
Tous les géants du secteur bancaire et financier, de Goldman Sachs à UBS, de Blackstone à JP Morgan, ont acheté des terres. Michael Burry, fondateur et stratège de Scion Capital, a été parmi les premiers à le penser et à agir en conséquence: il a été le premier gestionnaire de hedge funds à prévoir la crise hypothécaire des subprimes. Burry était si sûr de son analyse qu’il a parié 1,3 milliard de dollars contre ce qui était considéré comme le marché le plus sûr du monde. Après avoir remporté le gain, il a pris du recul quelques mois puis il est revenu dans le jeu en 2013 avec une nouvelle stratégie d’investissement axée sur l’eau et les terres agricoles.
Summit Global Management, de facto le premier hedge fund axé sur l’eau, fondé par l’ancien analyste de la CIA John Dickerson, mise également sur l’or bleu: sa société achète des milliards de litres d’eau et parie sur la crise hydrique au Colorado et à Murray Lagunes, en Australie. Il fait partie des profiteurs du climat mentionnés dans Windfall. The booming business of global warming (Aubaine. Le business florissant du changement climatique, Penguin Press 2014), une enquête écrite par le journaliste d’investigation McKenzie Funk qui a mis en évidence la marchandisation des matières premières à l’époque du changement climatique. Dans un monde futur qui n’aura pas réussi à limiter le réchauffement à 1,5 degrés d’ici 2100, comme y engage l’accord de Paris de décembre 2015, l’eau deviendra à la fois une source vitale et un problème rentable.
Plusieurs centaines de millions de personnes vivent désormais le long des côtes, et l’élévation du niveau de la mer causée par la fonte des glaces (ndlr, qui pourrait être très importante d’après des études récentes constitue une menace directe qui les transforme en clients potentiels. Les entreprises spécialisées dans la construction de barrières contre les inondations pourraient alors devenir très intéressantes pour les investisseurs à la recherche de profits sûrs. Il y aurait beaucoup de travail pour eux, et ce serait lucratif. Selon Michael Cembalest, JP Morgan Asset Manager, la construction d’une barrière défensive pour protéger New York et une partie du New Jersey de la montée des eaux coûterait 2,7 millions de dollars par mètre.
Les profiteurs du climat ne sont pas seulement des entrepreneurs cyniques mais aussi de simples citoyens qui espèrent une nouvelle ruée vers l’or. C’est le cas de la population groenlandaise, assise sur un trésor minier inestimable libéré par la fonte des glaces, qui pourrait la rendre indépendante du Danemark. Des sociétés comme la société industrielle américaine Alcoa, qui prévoient d’énormes investissements dans l’extraction et le traitement de la bauxite à transformer en aluminium, le savent très bien. Mais sous la glace arctique qui se délite se trouvent également 25% des réserves mondiales de gaz et de pétrole. Le réchauffement climatique est également une bénédiction pour les géants du pétrole tels que Royal Dutch Shell, British Petroleum, Exxon Mobil Corp ou Rosneft. Parmi ceux qui sont interessés à la fonte de la calotte polaire, on trouve aussi des compagnies maritimes: dans un monde sans glace, ils pouvaient relier l’Asie et l’Europe occidentale sans avoir à traverser l’océan Indien et le canal de Suez, économisant jusqu’à 500.000$ par voyage.
Ajoutons que la planète Terre est utile même quand elle ne recèle pas des trésors miniers ou des gisements d’hydrocarbures. Dans un monde surpeuplé qui se désertifie, les terres arables restantes acquerront une valeur énorme. Voilà pourquoi, au cours de l’année 2018, la pratique de l’accaparement des terres, autrefois limitée à l’Afrique, s’étend désormais à l’Amérique du Sud et à l’Europe. De grandes parcelles ont été vendues au privé en Ukraine et en Pologne, mais la vraie terre promise est le Canada. Le premier à avoir une telle intuition a été Eric Sprott, un gestionnaire de fonds spéculatifs de Toronto qui, en 2006, a publié un des premiers articles sur l’investissement climatique: “Invesment implications of an abrupt climate change.”
Sprott affirme que l’eau deviendra une ressource pivot dans un avenir proche. Mais il a également souligné ses faiblesses: elle est difficile à transporter des zones où elle est collectée vers celles où elle manque, et le secteur des services d’eau obéit à une réglementation stricte. Que faire alors? Sprott a suggéré d’acheter une vaste parcelle de terres au Canada, un pays où le climat deviendrait doux et propice à l’agriculture, un secteur qui pourrait attirer d’énormes investissements. Cette analyse est appuyée par le ministère canadien de l’Agriculture, selon laquelle les terres cultivables devraient passer de 26% à 40% du territoire d’ici 2040.
En matière de profit du changement climatique, l’imagination est sans limite. Si le Canada est trop loin, on peut encore investir dans les technologies permettant l’agriculture urbaine et intérieure ou l’aquaculture, sur lesquelles de nombreuses sociétés d’investissement comme American Cambridge Associates parient. Nephila Capital, elle, se spécialise dans l’assurance et la réassurance spécialisée dans les risques climatiques ‒ un énorme marché. Des entreprises comme Key Point Capital ont découvert que la demande pour le logement à court terme, parfait pour loger les personnes évacuées pendant les catastrophes naturelles (tornades, tempêtes, inondations, ouragans), va se développer.
Cela dans le meilleur des cas, car de très nombreuses personnes seront déplacées pour de plus longues périodes, voire pour toujours. Selon les estimations de la Banque mondiale, d’ici 2050, il y aura 143 millions de réfugiés climatiques en Afrique subsaharienne, en Amérique du Sud et en Asie du Sud. Beaucoup d’entre eux voyageront sans papier, posant ainsi d’énormes défis d’accueil, de gestion et sécurité aux pays hôtes. Ils trouveront Big Tech et Big Data pour les accueillir à bras ouverts. Aujourd’hui, chacun de nous a une identification numérique, assortie d’innombrables traces, photos, mots de passe, courriels, messages, géolocalistions, etc. Ces données sont le nouveau pétrole du business dont Big Tech est le nouveau magnat. Désormais, les pays en développement tombent dans ses filets, qui sont particuièrement intéressés par des sociétés comme Mastercard ou Microsoft, pour n’en nommer que quelques-unes, en vue d’identifier leurs habitants et gérer leur finances – les récents programmes d’identification biométrique massifs comme Aadhaar en Inde et des expériences similaires menées au Kenya et au Nigéria le montrent bien. Dans la plupart des cas, ces documents d’identité numériques sont également utilisés comme cartes de paiement et des centaines de millions de personnes non bancarisées reçoivent ainsi un compte bancaire. L’objectif est de générer une économie plus inclusive, disposant d’un profilage électronique large et minutieux des populations et de leurs ressources. Le risque le plus sérieux est d’emprisonner des milliards de personnes à faible revenu, jusqu’au réfugiés, dans le piège du crédit et de la dette. Big Bank sera alors heureuse et Big Tech aussi.
Mais même si cet avenir digne de la série Black Mirror ne se réalise pas tout de suite, Wall Street peut profiter des réfugiés du changement climatique par d’autres moyens. Il est intéressant à cet égard de consulter certaines informations données à Bloomberg par David Vogel, fondateur et PDG de Voloridge Investment Management, un fonds quantitatif axé sur des secteurs tels que l’agriculture, l’assurance et la santé, en vue d’une situation d’urgence à grande échelle. Vogel n’est pas entré dans les détails, mais il a admis avoir acheté de vastes parcelles de terrain à la frontière entre la Caroline du Nord et le Tennessee, convaincu que la population migrante des zones côtières ferait grimper les prix des terres intérieures. De son côté, Monsanto/Bayer travaille déjà sur une nouvelle génération de semences résistantes aux températures extrêmes et développe également de nombreux investissements dans les produits antipaludéens, une maladie qui, en raison de l’augmentation des températures, pourrait apparaître dans les régions les plus chaudes des États-Unis. Cool Futures Group de son côté est un cas en soi.
Un archipel d’entreprises basé aux îles Caïmans parie sur une catastrophe climatique inversée: pour eux la menace future n’est pas l’augmentation mais la baisse des températures. Une prévision pour le moins inattendue alors même que l’un des phénomènes géopolitiques les plus importants des dernières décennies, la ruée vers les richesses de l’Arctique, implique les principales puissances mondiales, des États-Unis à la Chine, de la Russie au Japon et au Royaume-Uni. Un coup d’œil rapide sur cette nouvelle version de The Great Game – le “grand jeu” des grandes puissances – qui nous fait réaliser que l’issue au drame du changement climatique a probablement déjà été décidée. ■
À première vue, les profiteurs du climat peuvent sembler appartenir tous à la même catégorie d’entrepreneurs. Cependant, il faut faire une distinction fondamentale entre ceux qui visent à investir et gagner de l’argent en participant à la révolution verte pour ralentir le réchauffement, et ceux qui prévoient de faire de affaires juteuses par la suite et n’ont aucun intérêt à l’empêcher de se produire. Ces derniers estiment qu’en chinois le mot «crise» contient un caractère qui signifie “opportunité”: cela ne s’applique pas au mandarin, mais au secteur financier...
Il est assez rare qu’une crise grave entraîne une destruction complète de la richesse: la plupart du temps, celle-ci se déplace des perdants vers les gagnants. La catastrophe actuelle du changement climatique ne fait pas exception. Même si les scénarios apocalyptiques se produisent réellement, il pourrait encore y avoir de la place pour des investissements ou un enrichissement. En fait, ceux qui ont identifié de telles opportunités ont déjà placé leurs paris. Ce sont les profiteurs du climat.
Les deux catégories d’entrepreneurs soutiennent très activement leur propre cause. Par exemple, à la veille de la Conférence sur le Changement climatique de Katowice de décembre 2018, un collectif d’investisseurs internationaux a envoyé aux chefs de gouvernement une lettre exigeant une réponse rapide et concrète pour éviter le pire. Ceux qui l’ont rédigé représentaient 415 fonds d’investissement, détenant un total de 32000 milliards de dollars d’actifs.
Leurs adversaires, tout aussi déterminés, savent qu’au cœur d’un monde dévasté, le contrôle et la privatisation des ressources clés telles que l’eau garantira à l’avenir un pouvoir économique et politique inestimable. Si les niveaux de salinité dans la mer augmentent, les précipitations diminuent, la famine et la sécheresse s’intensifient, l’accès à l’eau deviendra un facteur de survie et de pouvoir essentiel. Ainsi, le 21 août 2008, le PDG de Dow Chemical Company, Andrew Liveris, a déclaré à The Economist que “l’eau est le pétrole du XXIe siècle”.
Tous les géants du secteur bancaire et financier, de Goldman Sachs à UBS, de Blackstone à JP Morgan, ont acheté des terres. Michael Burry, fondateur et stratège de Scion Capital, a été parmi les premiers à le penser et à agir en conséquence: il a été le premier gestionnaire de hedge funds à prévoir la crise hypothécaire des subprimes. Burry était si sûr de son analyse qu’il a parié 1,3 milliard de dollars contre ce qui était considéré comme le marché le plus sûr du monde. Après avoir remporté le gain, il a pris du recul quelques mois puis il est revenu dans le jeu en 2013 avec une nouvelle stratégie d’investissement axée sur l’eau et les terres agricoles.
Summit Global Management, de facto le premier hedge fund axé sur l’eau, fondé par l’ancien analyste de la CIA John Dickerson, mise également sur l’or bleu: sa société achète des milliards de litres d’eau et parie sur la crise hydrique au Colorado et à Murray Lagunes, en Australie. Il fait partie des profiteurs du climat mentionnés dans Windfall. The booming business of global warming (Aubaine. Le business florissant du changement climatique, Penguin Press 2014), une enquête écrite par le journaliste d’investigation McKenzie Funk qui a mis en évidence la marchandisation des matières premières à l’époque du changement climatique. Dans un monde futur qui n’aura pas réussi à limiter le réchauffement à 1,5 degrés d’ici 2100, comme y engage l’accord de Paris de décembre 2015, l’eau deviendra à la fois une source vitale et un problème rentable.
Plusieurs centaines de millions de personnes vivent désormais le long des côtes, et l’élévation du niveau de la mer causée par la fonte des glaces (ndlr, qui pourrait être très importante d’après des études récentes constitue une menace directe qui les transforme en clients potentiels. Les entreprises spécialisées dans la construction de barrières contre les inondations pourraient alors devenir très intéressantes pour les investisseurs à la recherche de profits sûrs. Il y aurait beaucoup de travail pour eux, et ce serait lucratif. Selon Michael Cembalest, JP Morgan Asset Manager, la construction d’une barrière défensive pour protéger New York et une partie du New Jersey de la montée des eaux coûterait 2,7 millions de dollars par mètre.
Les profiteurs du climat ne sont pas seulement des entrepreneurs cyniques mais aussi de simples citoyens qui espèrent une nouvelle ruée vers l’or. C’est le cas de la population groenlandaise, assise sur un trésor minier inestimable libéré par la fonte des glaces, qui pourrait la rendre indépendante du Danemark. Des sociétés comme la société industrielle américaine Alcoa, qui prévoient d’énormes investissements dans l’extraction et le traitement de la bauxite à transformer en aluminium, le savent très bien. Mais sous la glace arctique qui se délite se trouvent également 25% des réserves mondiales de gaz et de pétrole. Le réchauffement climatique est également une bénédiction pour les géants du pétrole tels que Royal Dutch Shell, British Petroleum, Exxon Mobil Corp ou Rosneft. Parmi ceux qui sont interessés à la fonte de la calotte polaire, on trouve aussi des compagnies maritimes: dans un monde sans glace, ils pouvaient relier l’Asie et l’Europe occidentale sans avoir à traverser l’océan Indien et le canal de Suez, économisant jusqu’à 500.000$ par voyage.
Ajoutons que la planète Terre est utile même quand elle ne recèle pas des trésors miniers ou des gisements d’hydrocarbures. Dans un monde surpeuplé qui se désertifie, les terres arables restantes acquerront une valeur énorme. Voilà pourquoi, au cours de l’année 2018, la pratique de l’accaparement des terres, autrefois limitée à l’Afrique, s’étend désormais à l’Amérique du Sud et à l’Europe. De grandes parcelles ont été vendues au privé en Ukraine et en Pologne, mais la vraie terre promise est le Canada. Le premier à avoir une telle intuition a été Eric Sprott, un gestionnaire de fonds spéculatifs de Toronto qui, en 2006, a publié un des premiers articles sur l’investissement climatique: “Invesment implications of an abrupt climate change.”
Sprott affirme que l’eau deviendra une ressource pivot dans un avenir proche. Mais il a également souligné ses faiblesses: elle est difficile à transporter des zones où elle est collectée vers celles où elle manque, et le secteur des services d’eau obéit à une réglementation stricte. Que faire alors? Sprott a suggéré d’acheter une vaste parcelle de terres au Canada, un pays où le climat deviendrait doux et propice à l’agriculture, un secteur qui pourrait attirer d’énormes investissements. Cette analyse est appuyée par le ministère canadien de l’Agriculture, selon laquelle les terres cultivables devraient passer de 26% à 40% du territoire d’ici 2040.
En matière de profit du changement climatique, l’imagination est sans limite. Si le Canada est trop loin, on peut encore investir dans les technologies permettant l’agriculture urbaine et intérieure ou l’aquaculture, sur lesquelles de nombreuses sociétés d’investissement comme American Cambridge Associates parient. Nephila Capital, elle, se spécialise dans l’assurance et la réassurance spécialisée dans les risques climatiques ‒ un énorme marché. Des entreprises comme Key Point Capital ont découvert que la demande pour le logement à court terme, parfait pour loger les personnes évacuées pendant les catastrophes naturelles (tornades, tempêtes, inondations, ouragans), va se développer.
Cela dans le meilleur des cas, car de très nombreuses personnes seront déplacées pour de plus longues périodes, voire pour toujours. Selon les estimations de la Banque mondiale, d’ici 2050, il y aura 143 millions de réfugiés climatiques en Afrique subsaharienne, en Amérique du Sud et en Asie du Sud. Beaucoup d’entre eux voyageront sans papier, posant ainsi d’énormes défis d’accueil, de gestion et sécurité aux pays hôtes. Ils trouveront Big Tech et Big Data pour les accueillir à bras ouverts. Aujourd’hui, chacun de nous a une identification numérique, assortie d’innombrables traces, photos, mots de passe, courriels, messages, géolocalistions, etc. Ces données sont le nouveau pétrole du business dont Big Tech est le nouveau magnat. Désormais, les pays en développement tombent dans ses filets, qui sont particuièrement intéressés par des sociétés comme Mastercard ou Microsoft, pour n’en nommer que quelques-unes, en vue d’identifier leurs habitants et gérer leur finances – les récents programmes d’identification biométrique massifs comme Aadhaar en Inde et des expériences similaires menées au Kenya et au Nigéria le montrent bien. Dans la plupart des cas, ces documents d’identité numériques sont également utilisés comme cartes de paiement et des centaines de millions de personnes non bancarisées reçoivent ainsi un compte bancaire. L’objectif est de générer une économie plus inclusive, disposant d’un profilage électronique large et minutieux des populations et de leurs ressources. Le risque le plus sérieux est d’emprisonner des milliards de personnes à faible revenu, jusqu’au réfugiés, dans le piège du crédit et de la dette. Big Bank sera alors heureuse et Big Tech aussi.
Mais même si cet avenir digne de la série Black Mirror ne se réalise pas tout de suite, Wall Street peut profiter des réfugiés du changement climatique par d’autres moyens. Il est intéressant à cet égard de consulter certaines informations données à Bloomberg par David Vogel, fondateur et PDG de Voloridge Investment Management, un fonds quantitatif axé sur des secteurs tels que l’agriculture, l’assurance et la santé, en vue d’une situation d’urgence à grande échelle. Vogel n’est pas entré dans les détails, mais il a admis avoir acheté de vastes parcelles de terrain à la frontière entre la Caroline du Nord et le Tennessee, convaincu que la population migrante des zones côtières ferait grimper les prix des terres intérieures. De son côté, Monsanto/Bayer travaille déjà sur une nouvelle génération de semences résistantes aux températures extrêmes et développe également de nombreux investissements dans les produits antipaludéens, une maladie qui, en raison de l’augmentation des températures, pourrait apparaître dans les régions les plus chaudes des États-Unis. Cool Futures Group de son côté est un cas en soi.
Un archipel d’entreprises basé aux îles Caïmans parie sur une catastrophe climatique inversée: pour eux la menace future n’est pas l’augmentation mais la baisse des températures. Une prévision pour le moins inattendue alors même que l’un des phénomènes géopolitiques les plus importants des dernières décennies, la ruée vers les richesses de l’Arctique, implique les principales puissances mondiales, des États-Unis à la Chine, de la Russie au Japon et au Royaume-Uni. Un coup d’œil rapide sur cette nouvelle version de The Great Game – le “grand jeu” des grandes puissances – qui nous fait réaliser que l’issue au drame du changement climatique a probablement déjà été décidée. ■
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Alberto Tundo est journaliste économique. Son article, Death to the Jackals, a déjà été publié dans le numéro spécial Anthropocène du magazine Maize basé en Italie, qui explore les technologies et les humanités du futur, soutenu par la plateforme d’innovation H-FARM.
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