Manif climat à Berne 28 septembre 2019. Banderoles et slogans. Hall principal de la gare de Berne, autour du point de rencontre. MHM55. Wikimedia Commons.
HARO SUR GRETA THUNBERG
Roger Sacrain
HARO SUR GRETA THUNBERG
Roger Sacrain
“Comment osez-vous” Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Je fais pourtant partie de ceux qui ont de la chance. Les gens souffrent, ils meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent, et des contes de fées de croissance économique éternelle? Comment osez-vous!”
__________
Depuis que le 23 septembre 2019, à l’ONU, lors d’un sommet tenu à New York, Greta Thunberg, âgée de16 ans, a condamné avec virulence l’inaction patente des politiques, s’appuyant sur le dernier rapport alarmant et chiffré du GIEC sur l’avancement inexorable du réchauffement climatique, elle a essuyé une extraordinaire, haineuse et insultante volée de critiques et de moqueries sur les plateaux télévisées, éditorialistes fameux en tête – jusqu’a papy Bernard Pivot qui ne l’a pas trouvée draguable, regrettant les “petites Suédoises” de son époque.
L’hebdomadaire Télérama a procédé à une compilation complète – Haro sur Greta Thunberg – de ces interventions, ironisant: “Lundi et mardi, après l’intervention de Greta Thunberg à l’ONU, les éditorialistes étaient plus chauds que le climat pour insulter la militante suédoise. Tout en regrettant qu’il soit impossible de la critiquer...” A lire et entendre ce déferlement – “jeunesse hitlérienne”, “illettrée”, “inepte”, “vestale fiévreuse”, “effondrement psychiatrique”, “irréaliste”, “tyrannie de l’émotion”, “terrifiante”, “ridicule”, “appel aux meurtres”, “garde vert”, “effondrement du sens métaphysique”, “embrigadée”, “déprimée”, etc. – pour dénoncer une adolescente qui dit tout haut, avec franchise et colère, ce que beaucoup pensent du piétinement actuel des belles résolutions des conférences internationales sur le climat, dans sa classe d’âge pour commencer, on mesure combien les vérités les plus simples dérangent. C’est toujours la même histoire: haro sur le porteur du message déplaisant!
Que dit en effet de plus Greta Thunberg, avec ses mots et son émotion d’adolescente, porte-parole d’une génération qui va bientôt procéder au grand remplacement de tous les leaders paralysés et éditorialistes cyniques ou climatosceptiques, que le dernier et inquiétant rapport du GIEC sur les océans? Ses rapporteurs ne concluent-ils pas avec gravité, comme elle: “On va dans le mur! Si l’on continue à envoyer autant de CO2 dans l’atmosphère, on peut s’attendre à des guerres pour l’eau, pour la surface habitable, qui va se réduire…”
Simplement, la jeune Greta Thunberg a le tort insigne d’avoir son franc-parler, le courage de dire ce qui arrive, de ne pas chercher à plaire. Et surtout, elle le fait en défiant une institution internationale, sans prendre gant, interpellant les sages et les puissants de son temps: “How dare you?”. Minuscule, au départ toute seule devant son lycée, avec sa pancarte “En Grève pour le climat”, elle a été suivie par dizaines de milliers puis par deux millions de lycéens autour du monde, qui l’ont imité, chaque vendredi, jusqu’à créer le mouvement de masse “Fridays for future” – et la voilà qui a le courage de rappeler aux responsables de ce monde les dramatiques constats des rapports du GIEC et de leur demander ce qu’ils comptent faire pour elle et ses semblables, leurs propres enfants, ce qu’ils comptent faire. Et voilà que cette lanceuse d’alerte de 16 ans est couverte d’injures et d’opprobres. La formule de Georges Orwell n’a jamais été aussi pertinente: “A une époque de supercherie universelle dire la vérité est un acte révolutionnaire”.
Osons une comparaison qui fera rugir plus d’un - car bien sûr Greta Thunberg n’est qu’une lycéenne en colère – mais qui est révélatrice de la manière redondante dont les élites dans le déni (ou le conflit d’intérêt) conjurent pour salir les jeunes générations qui parlent vrai et les critiquent...
Une adolescente de 16 ans qui ne craint pas de dire la vérité aux puissants, sans transiger, qui entend les alerter d’un terrible drame en cours, nous menaçant tous, appelant à mobiliser les énergies pour le bouter hors du monde et rouvrir l’avenir, cela ne vous rappelle rien? La toute jeune Greta Thunberg n’est-elle pas, du fait de son succès médiatique et des millions de jeunes qui la suivent, une sorte de Jeanne d’Arc de la planète, l’héroïne en colère d’une époque, à vouloir agir et batailler sans attendre, sans se laisser démonter par les discours immobilistes ou intéressés?
“Comment osez-vous” Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Je fais pourtant partie de ceux qui ont de la chance. Les gens souffrent, ils meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent, et des contes de fées de croissance économique éternelle? Comment osez-vous!”
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Depuis que le 23 septembre 2019, à l’ONU, lors d’un sommet tenu à New York, Greta Thunberg, âgée de16 ans, a condamné avec virulence l’inaction patente des politiques, s’appuyant sur le dernier rapport alarmant et chiffré du GIEC sur l’avancement inexorable du réchauffement climatique, elle a essuyé une extraordinaire, haineuse et insultante volée de critiques et de moqueries sur les plateaux télévisées, éditorialistes fameux en tête – jusqu’a papy Bernard Pivot qui ne l’a pas trouvée draguable, regrettant les “petites Suédoises” de son époque.
L’hebdomadaire Télérama a procédé à une compilation complète – Haro sur Greta Thunberg – de ces interventions, ironisant: “Lundi et mardi, après l’intervention de Greta Thunberg à l’ONU, les éditorialistes étaient plus chauds que le climat pour insulter la militante suédoise. Tout en regrettant qu’il soit impossible de la critiquer...” A lire et entendre ce déferlement – “jeunesse hitlérienne”, “illettrée”, “inepte”, “vestale fiévreuse”, “effondrement psychiatrique”, “irréaliste”, “tyrannie de l’émotion”, “terrifiante”, “ridicule”, “appel aux meurtres”, “garde vert”, “effondrement du sens métaphysique”, “embrigadée”, “déprimée”, etc. – pour dénoncer une adolescente qui dit tout haut, avec franchise et colère, ce que beaucoup pensent du piétinement actuel des belles résolutions des conférences internationales sur le climat, dans sa classe d’âge pour commencer, on mesure combien les vérités les plus simples dérangent. C’est toujours la même histoire: haro sur le porteur du message déplaisant!
Que dit en effet de plus Greta Thunberg, avec ses mots et son émotion d’adolescente, porte-parole d’une génération qui va bientôt procéder au grand remplacement de tous les leaders paralysés et éditorialistes cyniques ou climatosceptiques, que le dernier et inquiétant rapport du GIEC sur les océans? Ses rapporteurs ne concluent-ils pas avec gravité, comme elle: “On va dans le mur! Si l’on continue à envoyer autant de CO2 dans l’atmosphère, on peut s’attendre à des guerres pour l’eau, pour la surface habitable, qui va se réduire…”
Simplement, la jeune Greta Thunberg a le tort insigne d’avoir son franc-parler, le courage de dire ce qui arrive, de ne pas chercher à plaire. Et surtout, elle le fait en défiant une institution internationale, sans prendre gant, interpellant les sages et les puissants de son temps: “How dare you?”. Minuscule, au départ toute seule devant son lycée, avec sa pancarte “En Grève pour le climat”, elle a été suivie par dizaines de milliers puis par deux millions de lycéens autour du monde, qui l’ont imité, chaque vendredi, jusqu’à créer le mouvement de masse “Fridays for future” – et la voilà qui a le courage de rappeler aux responsables de ce monde les dramatiques constats des rapports du GIEC et de leur demander ce qu’ils comptent faire pour elle et ses semblables, leurs propres enfants, ce qu’ils comptent faire. Et voilà que cette lanceuse d’alerte de 16 ans est couverte d’injures et d’opprobres. La formule de Georges Orwell n’a jamais été aussi pertinente: “A une époque de supercherie universelle dire la vérité est un acte révolutionnaire”.
Osons une comparaison qui fera rugir plus d’un - car bien sûr Greta Thunberg n’est qu’une lycéenne en colère – mais qui est révélatrice de la manière redondante dont les élites dans le déni (ou le conflit d’intérêt) conjurent pour salir les jeunes générations qui parlent vrai et les critiquent...
Une adolescente de 16 ans qui ne craint pas de dire la vérité aux puissants, sans transiger, qui entend les alerter d’un terrible drame en cours, nous menaçant tous, appelant à mobiliser les énergies pour le bouter hors du monde et rouvrir l’avenir, cela ne vous rappelle rien? La toute jeune Greta Thunberg n’est-elle pas, du fait de son succès médiatique et des millions de jeunes qui la suivent, une sorte de Jeanne d’Arc de la planète, l’héroïne en colère d’une époque, à vouloir agir et batailler sans attendre, sans se laisser démonter par les discours immobilistes ou intéressés?
Il est dans ce contexte assez troublant, et amusant, de relire la liste des attaques féroces et des calomnies portées contre Jeanne lors de son procès, elle qui commença son combat adolescente. Elles sont si venimeuses, pernicieuses, violentes, cruelles, de mauvaise foi qu’elles trahissent la peur intense que la jeune femme, symbole d’une France décidée à se libérer du joug et du malheur, inspirait aux occupants, leurs alliés comme aux hésitants et aux lâches. Je cite ici pour mémoire le préambule de l’acte d’accusation, qui priait les juges de déclarer Jeanne la Pucelle (pas draguable elle aussi!) “sorcière, devineresse, fausse prophétesse, invocatrice et conjuratrice de mauvais esprits, superstitieuse, pratiquant les arts magiques; pensant mal de la foi catholique; schismatique, doutant et s’écartant du dogme Unam sanctam et de plusieurs autres articles de foi; sacrilège, idolâtre, apostate, mal disant et mal faisant; blasphématrice envers Dieu et les saints, scandaleuse et séditieuse, troublant et empêchant la paix, excitant à la guerre, cruellement altérée de sang humain et poussant à l’effusion du sang; ayant abjuré sans pudeur la décence de son sexe, et prenant sans vergogne l’habit indécent et l’extérieur des hommes d’armes; pour ces choses et plusieurs autres, abominable à Dieu et aux hommes, violatrice des lois divine, naturelle et ecclésiastique; séductrice des princes et des peuples; permettant et consentant, au mépris de Dieu, qu’on la vénère et qu’on l’adore, donnant ses mains et ses vêtements à baiser; usurpatrice de l’honneur et du culte dûs à Dieu; hérétique, ou du moins véhémentement suspecte d’hérésie.” Une sorcière idolâtre, tiens j’ai dit tiens? ■
Il est dans ce contexte assez troublant, et amusant, de relire la liste des attaques féroces et des calomnies portées contre Jeanne lors de son procès, elle qui commença son combat adolescente. Elles sont si venimeuses, pernicieuses, violentes, cruelles, de mauvaise foi qu’elles trahissent la peur intense que la jeune femme, symbole d’une France décidée à se libérer du joug et du malheur, inspirait aux occupants, leurs alliés comme aux hésitants et aux lâches. Je cite ici pour mémoire le préambule de l’acte d’accusation, qui priait les juges de déclarer Jeanne la Pucelle (pas draguable elle aussi!) “sorcière, devineresse, fausse prophétesse, invocatrice et conjuratrice de mauvais esprits, superstitieuse, pratiquant les arts magiques; pensant mal de la foi catholique; schismatique, doutant et s’écartant du dogme Unam sanctam et de plusieurs autres articles de foi; sacrilège, idolâtre, apostate, mal disant et mal faisant; blasphématrice envers Dieu et les saints, scandaleuse et séditieuse, troublant et empêchant la paix, excitant à la guerre, cruellement altérée de sang humain et poussant à l’effusion du sang; ayant abjuré sans pudeur la décence de son sexe, et prenant sans vergogne l’habit indécent et l’extérieur des hommes d’armes; pour ces choses et plusieurs autres, abominable à Dieu et aux hommes, violatrice des lois divine, naturelle et ecclésiastique; séductrice des princes et des peuples; permettant et consentant, au mépris de Dieu, qu’on la vénère et qu’on l’adore, donnant ses mains et ses vêtements à baiser; usurpatrice de l’honneur et du culte dûs à Dieu; hérétique, ou du moins véhémentement suspecte d’hérésie.” Une sorcière idolâtre, tiens j’ai dit tiens? ■
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Roger Sacrain est un éditorialiste de Ravages.
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