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How China is building an all-seeing surveillance state. Video YouTube. The Washington Post.

AI WEIWEI: “ON DOIT TOUJOURS REGARDER SON ENNEMI EN FACE”

Entretien réalisé par le site américain “chasseur d’idées” bigthink.com

AI WEIWEI:

“ON DOIT TOUJOURS REGARDER SON ENNEMI EN FACE”

 

Entretien réalisé par le site américain “chasseur d’idées” bigthink.com

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Ces dernières années, j’ai tant lutté contre le système que beaucoup de gens pensent que je suis devenu un pur militant. Mais chacun de mes combats porte des motivations très fortes qui me sont propres. C’est moi qui argumente, je suis responsable de mes convictions, et je choisis de les partager avec d’autres. Quand je me lance dans un combat, je n’en connais pas l’issue d’avance. On peut essayer de prédire les conséquences, mais je ne suis pas du genre à accepter les prédictions sans mot dire. J’aime défier les prédictions, voir si elles vont se révéler fausses, si peut-être un miracle va arriver. La surprise ou la grande déception peuvent me saisir, mais je sais que j’apprendrai de moi-même dans cette lutte. 

Je dois obtenir une réponse consistante au fond de moi, plutôt que d’écouter les autres – ceux qui m’entraînent au-devant de tant d’ennuis. D’ailleurs, je suis toujours là, vivant et, je pense, en relativement bonne santé. Mon esprit travaille toujours, quand bien même il a été choqué, ce qui a beaucoup réduit mes capacités mentales à bien des égards. 

Malgré tout, je pense que je peux encore combattre. Je me sens capable de créer une performance qui compte pour moi, sans la dissocier du combat des autres. Toutes les luttes que je mène sont autant que mes enfants n’auront pas à mener. Les gens qui ont peu de pouvoir, peu d’influence, ceux-là pourront en bénéficier. Vous devez toujours dire à votre ennemi qui vous êtes et pourquoi vous vous battez. C’est très important. Pour le dire clairement à votre ennemi, regardez son visage, regardez-le bien dans les yeux et dites-lui qui vous êtes.

 

Les 100.000 policiers d’Internet.

La liberté de l’information et de la communication sur Internet est interdite en Chine. Nous sommes confrontés à une grande muraille qui bloque tous les serveurs internationaux. Dans toute la Chine, il y a 100.000 policiers d’Internet assis là toute la journée à effacer tout blog ou toute information qu’ils pensent devoir cacher à notre jugement. Malgré cela, Internet offre encore aux twitters et blogueurs chinois une certaine liberté, que ce pays n’a jamais connue auparavant. Au quotidien, quand un événement se passe, les commentaires et discussions qui suivent vont former des courants d’opinions, qui ont déjà complètement changé le paysage politique. Je pense que ces technologies mettent constamment le gouvernement sur la sellette. Chaque événement, chaque acte politique donne maintenant l’occasion aux gens de rire et de se moquer. Quel plaisir pour la jeune génération!

La technologie Internet peut entraîner une plus grande liberté, partout, et en particulier en Chine. Il devient de plus en plus  difficile pour un État autoritaire de maintenir son contrôle et de censurer la liberté d’expression. Une fois la brèche entrouverte, il devient impossible de revenir en arrière. Alors, Internet me semble apporter la solution évidente pour créer une société civile, pour amener les jeunes à s’engager, à participer, à s’informer, à communiquer et s’associer librement avec d’autres personnes. C’est vraiment un cadeau miraculeux pour l’homme en lutte. Les potentialités de cette technologie recèlent tant de beautés que cela dépasse notre imagination. 

 

Pollution générale.

Aujourd’hui, les Chinois sont confrontés à des questions brûlantes. La situation est très compliquée. Pour tenter de survivre dans la compétition internationale, ils ont sacrifié beaucoup de droits, y compris ceux de l’environnement. Ils ont aussi sacrifié l’éducation. En même temps, la société tout entière est devenue extrêmement corrompue, presque incapable de prendre des décisions claires. Sans oublier le système judiciaire, qui se trouve paralysé. 

Quand je parle de l’environnement naturel, j’entends l’air, l’eau, la sécurité alimentaire, qui sont aujourd’hui au cœur des préoccupations des Chinois. On trouve du poison dans presque tout. Énormément de cours d’eau sont pollués, presque tous les fruits de mer sont pollués, notre lait est pollué, nos viandes sont polluées, nos légumes sont pollués. Presque tous les Chinois, quand ils passent à table, ont à l’esprit la possible dangerosité de leur alimentation pour leurs enfants comme pour eux-mêmes. On constate les implications de ce changement de société, qui préoccupe chacun, quelque soit son statut politique, son obédience idéologique, son patriotisme ou son militantisme. 

 

Une justice aux ordres.

Aujourd’hui en Chine, la sécurité, le bien-être dans la vie quotidienne et le souci de l’environnement sont devenus des préoccupations majeures. On sait bien que toute société, sans parler de la Chine, hérite d’une longue et complexe histoire. Mais toute société, pour survivre, doit développer un sens de la justice et de l’équité qui appartienne au peuple. Les gens doivent pouvoir croire à l’existence de la justice dans leur société. Et cela ne peut être atteint que de haute lutte… La Chine ne dispose certes pas d’un système judiciaire indépendant. Ce genre de justice n’a jamais vraiment existé. C’est notre problème. Comme cette justice n’existe pas, les gens n’ont confiance ni dans les politiciens ni dans les médias, en l’absence d’une réelle liberté d’expression. Sans la confiance dans les informations et la foi en la justice de son pays, comment croire qu’une société puisse travailler de concert et maintenir sa stabilité? Ce qui se passe est fascinant, et questionne aujourd’hui la légitimité même du pouvoir. Maintenir une nation dans la défiance de ses propres citoyens, priver les gens de leur destin, voilà les questions récurrentes qu’ils refusent d’affronter. 

Je crois qu’on doit regarder en face la soi-disant indépendance du système judiciaire. Il faut que la société prenne la mesure de ce qui est bon ou mauvais pour elle, et pas seulement selon la volonté et les avis d’un parti. C’est le mal en action. La liberté d’expression nous concerne tous, la liberté d’information et de communication est absolument nécessaire, non seulement pour des artistes comme moi, mais pour tout le monde. Aucune société ne réalisera ses rêves de grandeur sans passer par là. ■

Ces dernières années, j’ai tant lutté contre le système que beaucoup de gens pensent que je suis devenu un pur militant. Mais chacun de mes combats porte des motivations très fortes qui me sont propres. C’est moi qui argumente, je suis responsable de mes convictions, et je choisis de les partager avec d’autres. Quand je me lance dans un combat, je n’en connais pas l’issue d’avance. On peut essayer de prédire les conséquences, mais je ne suis pas du genre à accepter les prédictions sans mot dire. J’aime défier les prédictions, voir si elles vont se révéler fausses, si peut-être un miracle va arriver. La surprise ou la grande déception peuvent me saisir, mais je sais que j’apprendrai de moi-même dans cette lutte. 

Je dois obtenir une réponse consistante au fond de moi, plutôt que d’écouter les autres – ceux qui m’entraînent au-devant de tant d’ennuis. D’ailleurs, je suis toujours là, vivant et, je pense, en relativement bonne santé. Mon esprit travaille toujours, quand bien même il a été choqué, ce qui a beaucoup réduit mes capacités mentales à bien des égards. 

Malgré tout, je pense que je peux encore combattre. Je me sens capable de créer une performance qui compte pour moi, sans la dissocier du combat des autres. Toutes les luttes que je mène sont autant que mes enfants n’auront pas à mener. Les gens qui ont peu de pouvoir, peu d’influence, ceux-là pourront en bénéficier. Vous devez toujours dire à votre ennemi qui vous êtes et pourquoi vous vous battez. C’est très important. Pour le dire clairement à votre ennemi, regardez son visage, regardez-le bien dans les yeux et dites-lui qui vous êtes.

 

Les 100.000 policiers d’Internet.

La liberté de l’information et de la communication sur Internet est interdite en Chine. Nous sommes confrontés à une grande muraille qui bloque tous les serveurs internationaux. Dans toute la Chine, il y a 100.000 policiers d’Internet assis là toute la journée à effacer tout blog ou toute information qu’ils pensent devoir cacher à notre jugement. Malgré cela, Internet offre encore aux twitters et blogueurs chinois une certaine liberté, que ce pays n’a jamais connue auparavant. Au quotidien, quand un événement se passe, les commentaires et discussions qui suivent vont former des courants d’opinions, qui ont déjà complètement changé le paysage politique. Je pense que ces technologies mettent constamment le gouvernement sur la sellette. Chaque événement, chaque acte politique donne maintenant l’occasion aux gens de rire et de se moquer. Quel plaisir pour la jeune génération!

La technologie Internet peut entraîner une plus grande liberté, partout, et en particulier en Chine. Il devient de plus en plus  difficile pour un État autoritaire de maintenir son contrôle et de censurer la liberté d’expression. Une fois la brèche entrouverte, il devient impossible de revenir en arrière. Alors, Internet me semble apporter la solution évidente pour créer une société civile, pour amener les jeunes à s’engager, à participer, à s’informer, à communiquer et s’associer librement avec d’autres personnes. C’est vraiment un cadeau miraculeux pour l’homme en lutte. Les potentialités de cette technologie recèlent tant de beautés que cela dépasse notre imagination. 

 

Pollution générale.

Aujourd’hui, les Chinois sont confrontés à des questions brûlantes. La situation est très compliquée. Pour tenter de survivre dans la compétition internationale, ils ont sacrifié beaucoup de droits, y compris ceux de l’environnement. Ils ont aussi sacrifié l’éducation. En même temps, la société tout entière est devenue extrêmement corrompue, presque incapable de prendre des décisions claires. Sans oublier le système judiciaire, qui se trouve paralysé. 

Quand je parle de l’environnement naturel, j’entends l’air, l’eau, la sécurité alimentaire, qui sont aujourd’hui au cœur des préoccupations des Chinois. On trouve du poison dans presque tout. Énormément de cours d’eau sont pollués, presque tous les fruits de mer sont pollués, notre lait est pollué, nos viandes sont polluées, nos légumes sont pollués. Presque tous les Chinois, quand ils passent à table, ont à l’esprit la possible dangerosité de leur alimentation pour leurs enfants comme pour eux-mêmes. On constate les implications de ce changement de société, qui préoccupe chacun, quelque soit son statut politique, son obédience idéologique, son patriotisme ou son militantisme. 

 

Une justice aux ordres.

Aujourd’hui en Chine, la sécurité, le bien-être dans la vie quotidienne et le souci de l’environnement sont devenus des préoccupations majeures. On sait bien que toute société, sans parler de la Chine, hérite d’une longue et complexe histoire. Mais toute société, pour survivre, doit développer un sens de la justice et de l’équité qui appartienne au peuple. Les gens doivent pouvoir croire à l’existence de la justice dans leur société. Et cela ne peut être atteint que de haute lutte… La Chine ne dispose certes pas d’un système judiciaire indépendant. Ce genre de justice n’a jamais vraiment existé. C’est notre problème. Comme cette justice n’existe pas, les gens n’ont confiance ni dans les politiciens ni dans les médias, en l’absence d’une réelle liberté d’expression. Sans la confiance dans les informations et la foi en la justice de son pays, comment croire qu’une société puisse travailler de concert et maintenir sa stabilité? Ce qui se passe est fascinant, et questionne aujourd’hui la légitimité même du pouvoir. Maintenir une nation dans la défiance de ses propres citoyens, priver les gens de leur destin, voilà les questions récurrentes qu’ils refusent d’affronter. 

Je crois qu’on doit regarder en face la soi-disant indépendance du système judiciaire. Il faut que la société prenne la mesure de ce qui est bon ou mauvais pour elle, et pas seulement selon la volonté et les avis d’un parti. C’est le mal en action. La liberté d’expression nous concerne tous, la liberté d’information et de communication est absolument nécessaire, non seulement pour des artistes comme moi, mais pour tout le monde. Aucune société ne réalisera ses rêves de grandeur sans passer par là. ■

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